mardi 25 novembre 2014

La sale ère de la peur

Mesdames, messieurs... la France  a peur.
"Tremblez citoyens! La menace est à nos portes!"
Bon sang mais c'est pas banal ça, me direz-vous! Et de quoi-t-est-ce-donc que la France elle a-t-elle peur alors?

Je ne parle pas ici de simple phobies, que j'ai déjà abordé ailleurs...

Vous n'avez pas dû suivre l'actualité des dernières décennies derniers jours vous : la France a peur de tout. Si si, de tout, je ne rigole pas. Enfin si, je rigole, mais c'est un rire un peu jaune. Car il faut bien le dire chers lecteurs, s'il est un mot qui définit bien notre époque, c'est bien celui-ci : ANXIOGÈNE. Et j'ai parlé de la France, mais objectivement on n'est pas obligés de se restreindre : ça concerne une bonne partie du monde occidental, voire du monde mondial.

C'est sans doute pas pour rien qu'une large part de la population carbure aux anxiolytiques. Bon, en pure perte et avec des effets secondaires désastreux, mais c'est l'intention qui compte hein... Car oui, notre société est anxiogène, et les médias se font un plaisir de nous le rappeler en permanence :
Le problème, c'est que la peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine… mène à la souffrance. Et donc...
"La peur est le chemin vers le côté obscur"

Il faut bien dire, et ça on en a déjà parlé avec les hippopotames rouges, qu'il semble considérablement plus facile de faire du ramdam (on dit du buzz parait-il quand on est dans la vibe) avec des "infos" qui se fondent sur de l'émotionnel, que sur des choses faisant appel à l'intelligence (par exemple une brave sonde spatiale qui se pose sur une comète. Ok, c'est pas un bon exemple car cette info là a bien fait le buzz justement... comme quoi).

Et sans surprise, la peur (comme l'envie dans le cas des hippopotames rouges), émane de ce brave cerveau limbique, et plus précisément du complexe amygdalien.
Également surnommé (par moi) : aire cérébrale de la pétoche.
A ne pas confondre avec les amygdales pharyngées qui n'ont rien à voir si ce n'est le nom. Notons que je soupçonne à titre personnel que les nerfs contrôlant vessie et sphincters doivent être branchés directement sur ce complexe amygdalien (de la même façon que les poils du rectum sont reliés aux glandes lacrymales) : ça expliquerait pourquoi on se fait dessus en cas de trouille bleue.

Bref. La peur est à l'origine un mécanisme de protection. L'organisme réagit de façon instinctive à une menace, en produisant de l'adrénaline (surnommée d'ailleurs l'hormone de la peur) pour diminuer le temps de réaction face à cette menace. Et c'est cette même adrénaline qui induit les symptômes cliniques de la peur : tremblote, augmentation du rythme cardiaque, écarquillement des yeux, respiration saccadée,...

Comme c'est un réflexe, ça court-circuite les processus cognitifs ordinaires : le corps réagit avant d'analyser précisément la menace. C'est le mécanisme de "réponse combat-fuite". Et ensuite seulement le cortex, cette grosse feignasse cet inspecteur des travaux finis, va faire son boulot en vérifiant si la "menace fantôme" justifiait réellement d'émettre ces petits bruits de pets liquides. C'est pour ça que ça marche à tous les coups, comme ces images animées qu'on trouve parfois sur les internet. Mais siiii, vous savez bien : ces images où l'on voit un truc style un gamin un peu flippant dans un décor sinistre, on vous demande de vous rapprocher de l'écran et de le fixer pendant 30 secondes, et là paf! Une image qui fiche la frousse apparait pendant une seconde.
Ça marche à tous les coups je vous dit!

En fait, techniquement, il conviendrait donc de se méfier des gens qui disent n'avoir jamais peur : soit ils mentent comme des politiciens, soit ce sont de dangereux psychopathes dont les mécanismes cérébraux sont totalement différents de ceux de l'être humain normal.
"–Ah ah ah, non mais tranquille... j'ai même pas peur d'une éventuelle enquête les copains!"

Le problème, c'est lorsque ce mécanisme naturel commence à être biaisé, soit par un dysfonctionnement interne (phobies, paranoïa, schizophrénie...), soit par des stimuli externes trompeurs (drogues, sons à basse fréquence, images subliminales, livres d'Eric Zemmour, rumeurs médiatiques, touïtes au sujet d'Ebola...).

Pour les causes internes hélas, il n'y a pas toujours de solution idéale : la psychiatrie et la neurologie proposent parfois des traitements ou des thérapies, plus ou moins efficaces, mais ces mécanismes sont encore mal connus, et les résultats incertains.

Pour les causes externes en revanche, il existe une parade absolue qui tient en 3 lettres : UFC!

–Euh... l'Union Fédérale des Consommateurs? Y a un dossier sur "Que choisir" ?

Non, pas du tout.

–Ah... alors peut être... l'Université de Franche-Comté? L'Ultimate Fighting Championship? L'Union des Forces de Changement?

Non. C'est biologique.

–Pfff... l'Urine de Fennec Concentrée? L'Unité Fourragère Cheval? L'Unité Formant Colonie?

Non, décidément vous n'y êtes pas. C'est :

Utilise ton Fucking Cerveau !!!!

Non, sérieux, utilise-le j'te jure!
Car oui, soyons clair, le seul intérêt de faire appel à vos bas instincts tels que la peur, c'est de pouvoir s'affranchir de toute réflexion construite de votre part, ce qui permet :
  1. de faire de l'audience à bon compte et de libérer du temps de cerveau
  2. d'en profiter pour vous placer quelques hippopotames rouges ("L'insécurité vous fait peur? Investissez dans une alarme!", "le popotin de Kim vous subjugue? Mangez des marshmallows!", "Peur des clowns? Votez pour l'Union des Minus Patibulaires / le Parti Sinistré, on les collera au gnouf"...)
  3. de manipuler l'opinion publique, et là plus c'est gros, plus ça passe (souvenez-vous!).
  4. d'abolir tout esprit critique (permettant de faire passer des lois liberticides, d'imposer des "mesures d'exceptions" qui deviennent bien vite la règle, de justifier le reniement à certaines valeurs...), c'est d'ailleurs très bien documenté, parait-il, dans le livre "La stratégie du choc" de Naomi Klein.
Règle n° 1 : On ne parle pas du Fight Club ne jamais croire ce qu'on vous dit sur parole.
–Mais alors, toi tu vas essayer de nous faire croire que tu n'as jamais peur papa Hérisson?

Non mais... vous comprenez ce que vous lisez? La peur est un réflexe! Naturel! Bien sûr qu'il m'arrive d'avoir peur. J'ai même parfois franchement les miquettes! Pire, je dirais que le fait de devenir père m'a sans doute amené à découvrir de nouvelles peurs : celles que l'on ressent pour la sécurité et l'avenir de ses enfants... Pour autant, ça n'est pas la peur en soi qui est mauvaise, c'est de se laisser dominer par elle, en permanence. La peur devrait être un sentiment temporaire, plutôt bref. Il n'est pas normal de vivre en état de peur permanente.

Sauf que justement, on rencontre de plus en plus de ces comportements collectifs, dans lesquels la peur est devenue le moteur quotidien. Pour différentes raisons d'ailleurs! Pour certains c'est :
  • un business : ils vivent de la peur qu'ils suscitent ou entretiennent chez les autres (mafia, terrorisme, prédicateurs de l'apocalypse/gourous de secte, concerts de Justin Bieber...)
    Faut reconnaître, ça fait peur quand même...
  • un mode de vie : toute leur existence tourne autour de la GPA (Grande Peur de l'Apocalypse) zombie/nucléaire/virale/céleste/théorie du genre... Pour certains de ces Survivalistes, cela peut d'ailleurs devenir un business...
    Sans compter le côté fashion à mort des tenues NBC et des M16...
  • une politique : l'essentiel de leurs convictions repose sur la peur de l'Autre, que cet Autre soit homo, étranger, musulman, juif, catho, séropositif, femme, obèse, clown, bimbo psychopathe armée d'un grand couteau...(rayer la ou les mentions inutiles, il est possible de cumuler plusieurs "bêtes noires").
  • Par exemple, cet homme à peur des bougn... auvergnats
Je vais vous dire : je crois sincèrement que notre monde crève de beaucoup de chose, mais s'il doit y en avoir une... une cause principale, initiale à tout cela, je suis bien persuadé que c'est la trouille. Notre civilisation est en train de crever... de trouille. Et je crois qu'on a sérieusement intérêt à stopper cette production mortifère d'adrénaline institutionnalisée si on ne veux pas qu'elle crève... tout court.

D'ailleurs, c'est bizarre comme notre espèce (soi-disant) supérieure est malgré tout toujours esclave de ces mécanismes émotionnels ataviques... Faut sans doute croire qu'on n'est pas si évolués que cela.

Tiens, peut être une piste pour conclure, sachez qu'une étude a montré que l'ocytocine (une hormone liée à l'altruisme, à l'empathie, et... au désir sexuel) avait tendance à diminuer l'activité du complexe amygdalien, et donc à diminuer le sentiment de peur. Moralité : pour lutter efficacement contre vos peurs, faites l'amour, pas la guerre! Ou alors faites des crêpes...
C'est pour une bonne cause : l'avenir de l'huma... des crêpes.

11 commentaires:

  1. Un bon moyen de commencer à arrêter de flipper, c'est d'arrêter le journal télé (et ses versions papier comme le Parisien) et de se tourner vers des média en ligne ou des radio moins focalisés sur le sensationnel.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'aurais bien dit que t'as pas tord... mais je n'ai plus la télé depuis un bail, je ne lis pas la presse écrite, et je trouve quand même que la presse en ligne et les radios en font parfois des caisses (de résonance), alors bon... à part se couper de toute source d'info (choix fait par maman Koala qui préfère carrément ♪ déjeuner en paix ♫), je pense que le meilleur moyen reste encore de contempler tout cela avec recul et un minimum de réflexion :p

      Supprimer
  2. L'ocytocine diminue la peur? Sérieux?
    Tu omet de dire que cette hormone est également libérée au cours de l'allaitement, pendant les tétées. Ce qui me fait penser que je suis désormais une surfemme sans peur (et presque sans reproche... ahem) pour sans doute encore quelques mois, années...
    Alors pourqoui j'ai quand même la grosse touille des familles à chaque fois que je dois faire une prise de sang (ce qui est malheureusement devenu fréquent dernierement)?
    En tout cas, encore un article où j'ai appris des trucs. Merci et encore!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En effet, au temps pour moi pour cette omission! N'est-il d'ailleurs pas amusant que l'hormone produite lors de l'allaitement soit associée à l'altruisme et l'empathie? ^^

      Supprimer
  3. - C'est atavique ?
    - Non, c'est à moi !

    Bon, vais essayer de trouver une recette de crêpes sans farine (parce que la farine, c'est du sucre) et sans sucre...
    Ou alors, j'achète une nouvelle boîte de douze préservatifs...
    Hein ?
    Non, pas pour les crêpes, voyons !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Maman Koala a un recette de crêpes sans gluten, et honnêtement, c'est une tuerie! Je vais lui demander sa recette ;)

      Supprimer
    2. Alors, pour les crêpes sans gluten :
      - 8 œufs
      - 320g de farine de riz
      - 600g de lait de riz (oui bon, je n'ai pas l'équivalent en ml)
      - 3 cuillères à café de sel (à ne surtout pas oublier)
      (- 8 cuillères à soupe de sucre pur canne blond, en option du coup)

      La recette vient de là : http://et-si-on-changeait-le-monde.blogspot.fr/2014/07/recette-de-super-mega-delicieuses.html ;)

      Supprimer
  4. Entièrement d'ac avec ton analyse. La peur permet de proposer tout un tas de solution qui auraient été jugées inacceptables en temps normal. La peur nous fait prendre des décisions un peu bêtes, par instinct de survie (alors qu'on est généralement dans une situation où il faut prendre des décisions à long terme).
    Bref, la peur c'est tout pourri :-P

    Mais la peur ça se maîtrise, et on vit tellement mieux sans :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Disons qu'il y a peur... et peur. Les populations syriennes ont sans doute de bonnes raisons d'avoir peur. Les manif' pour tous, beaucoup moins.

      Supprimer
  5. Moi, je fais comme Maman Koala, tout ça, je n'arrive plus à supporter tout ça...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je peux le comprendre... pour ma part, j'éprouve un forme de curiosité (forcément un peu malsaine) à contempler d'un œil passablement détaché la misère intellectuelle de mes contemporains.
      Oui, je sais, je suis cynique. J'avoue.

      Supprimer