lundi 21 septembre 2015

Un jour on tendra l'oriflamme à nos fils en orbite

Aaaaaah! L'espace! Le nouveau farouesste de l'humanité! L'ultime frontière vers l'infini et au delà! Mais surtout l'endroit où personne ne vous entend crier n'entend chanter Justin Bieber! Pfiou : on comprend que ça motive à y aller. Du coup, lorsque le module Eagle d'Apollo 11 a atterri sur la Lune le 20 juillet 1969, tout le monde se disait qu'une nouvelle ère allait s'ouvrir. Une ère de fusées, de villes spatiales installées sous de grands dômes de verre, de colonisation du système solaire, de costumes futuristes en forme de pyjamas à pattes d'eph', de rencontre avec des extraterrestres en mousse!!!!
Le futur, c'était mieux av... euh... Non. Rien.

Et puis bon, finalement, on est en où 45 ans plus tard? Bin, il y a trois-quatre sondes automatisées qui parcourent le système solaire, et quatre ou cinq péquins enfermés dans une grosse boite de conserve en orbite basse au dessus de la terre. Taguée NASA quand même la grosse boite, hein. Voilà voilà. Oui, je sais ça envoie du rêve. D'un autre côté, on a échappé aux pyjamas pattes d'eph.

–Euh... C'est vrai ça, pourquoi c'est parti en 'cahuète la conquête spatiale?

Pour le savoir, faisons un petit point historique, voulez-vous?


Le ciel, les étoiles, la lune, toussa, ça a toujours passionné les humains. Déjà, dans l'antiquité, les habitants de Sodome étaient réputés pour leur exploration approfondie de la lune Aristote (cf. l'article précédent. Non je ne mets pas le lien, faites un petit effort aussi!) s'interrogeait sur la nature de notre satellite.

Et déjà à l'époque, certains auteurs imaginent des voyages vers notre satellite, à la rencontre d'hypothétiques sélénites. Les histoires ou des phantasmes de voyages vers la lune traversent d'ailleurs l'histoire :
Et même inspiré des artistes :


Notons que la plupart de ces récits envisagent des moyens de locomotion spatiaux qui oscillent entre le gentiment naïf (transporté par des oiseaux magiques) et la consommation en quantité industrielle de schnouffe coupée à l'acide de batterie (une ceinture de fiole de rosée gorgée de soleil) en passant par le nawak le plus total (bateau dirigeable). Même Jules Verne, en 1865, envisage un moyen plutôt risqué : s'enfermer dans un obus géant tiré par un énorme canon.

Faisons un petit jeu. Selon vous :
Attention, il y a un piège.
Si vous avez répondu :
►D : bien tenté, mais non. Obiwan Kenobi est surtout connu pour avoir inventé la perche à selfie.
Tss tss...

► C : franchement, presque. Mais non.
Aucun rapport, à part la forme et le fait que les gnomes appellent ça des petites "fusées".
► B : Bravo! Vous êtes tombé dans le piège comme la plupart des gens. C'est vrai que le mythe du savant nazi qui fabrique des soucoupes volantes pour aller sur la lune, ça laisse toujours rêveur. Mais non, pas de bol, si Von Braun a bien conçu les V1 et les V2, avant d'être le père du programme spatial américain, il s'est appuyé sur les travaux d'un de ces prédécesseurs.
Extrait de l'excellent documentaire "Iron Sky".


► A : en effet, c'est bien Edouardo. Enfin Constantin Edouardovitch Tsiolkovski (oui, le "Edouardovitch", ça casse un peu le truc quand même je trouve), un savant russe, au début du XXième siècle qui a imaginé le concept moderne de la fusée.
Non, ça n'est pas le professeur Tournesol. Mais il y a de l'idée.



L'idée de base est simple : elle repose sur les lois de Newton (action-réaction, et loi de la gravité). L'idée est d'accélérer et d'éjecter de la matière à grande vitesse, pour en réaction, propulser la fusée dans les airs. D'où le nom de fusée à réaction. L'objectif pour une fusée spatiale étant d'obtenir une vitesse suffisante pour que la distance de "chute" soit supérieure au diamètre de la Terre (cf. article précédent encore).

Notons que le père Tsiolkovski en avait dans le citron puisqu'il avait déjà cogité le carburant à utiliser (propergol) et le principe d'étages de fusées (pour alléger la bête au fur et à mesure que le carburant est consommé). Il avait même imaginé le principe des stations orbitales modulaires. Oui, fin XIXième début XXième. Ils sont balaises ces russes quand même... ça me fait penser que mon garagiste, Youri, doit surement avoir un lien de parenté avec Constantin. En tout cas, ça expliquerait son obstination à bidouiller ma voiture avec des pièces de Spoutnik.

Ceci étant, notre pote Constantin avait encore plein d'idées très en avance sur leur temps : comme par exemple l'ascenseur spatial.

–Un... ascenseur spatial? Sérieusement?

Oui. L'idée est de construire une tour de 36.000 kilomètres (tant qu'à faire hein...), ou d'y positionner une station orbitale géostationnaire et d'en faire descendre un câble (de plusieurs milliers de kilomètres donc) pour monter des charges vers l'orbite terrestre. Je ne vous cache pas que beaucoup de savants ont longtemps pensé que c'était con comme une bite et virtuellement infaisable, tout simplement parce qu'aucun matériau connu ne serait assez solide. Enfin presque : le diamant le pourrait, mais à l'évidence, les ressources sont limitées. Sauf que depuis des progrès ont été fait : on fabrique des matériaux artificiels (nanotubes de carbone) présentant les caractéristiques voulues. En trop faible quantité encore, mais le principe devient potentiellement viable. Enfin sauf qu'il reste quelques problèmes sérieux à surmonter :
  • la protection de l'édifice contre les crashs, les actes de terrorisme
  • le coût astronomique (c'est le cas de le dire)
  • l'emplacement (idéalement le plus proche possible de l'équateur... ça pourrait être sympa en Centrafrique non? Non?)
  • la musique : alors déjà que la musique d'ascenseur pendant quelques minutes c'est chiant, imaginez pendant des heures voir des jours : il va falloir envisager la présence de psychologues à bord pour éviter des actes désespérés....
  • si l'un des passagers lâche une caisse du type silent but deadly... on a le droit de le balancer par le sas?
  • si je me retrouve dans la même cabine que Maurice de la compta, que je ne peux pas blairer depuis qu'il a raconté à l'arbre de Noël de la boite que j'avais eu une meilleure augmentation que les autres, est-ce que je vais pouvoir maintenir ce silence gêné si caractéristique pendant les moult heures de trajet?
  • quand l'ascenseur tombe en panne :  l'interphone pour prévenir le dépanneur sera-t-il aussi foireux que sur les ascenseurs d'immeuble? Faudra-t-il attendre le dépanneur aussi longtemps?
"♪♫ Oh oh oh ooooh... en apesanteur... oh oh oh oooooh pourvu que les secondes heures soient des heures jours ♫♪"

Alors l'ascenseur spatial : avenir de la conquête spatiale ou cauchemar des ascensumophobes? L'avenir le dira sans doute.


Il aura donc fallu un bon demi-siècle entre l'idée de Tsiolkovski et sa réalisation pratique. En raison du coût évidemment... et un peu par manque de volonté politique ("Aller dans l'espace? Visiter la lune? Nan mais OSEF quoi!"). Et donc comme souvent, ce sont les militaires qui vont faire décoller le projet, sous l'égide d'un ingénieur de formation : Wernher Magnus Maximilian von Braun (un vrai nom de méchant qui sonne bien). Dans un premier temps, les militaires nazi en l'espèce, comme le montre ce document d'archive :
Oui, les gros objets oblongues, ça a toujours du succès.
Profitant des capitaux mis à sa disposition par la luftwaffe, Wernher procède donc à la mise au point de fusées basées sur le procédé décrit par Tsiolkovski : de grands objets phalliques, à carburant liquide, et à plusieurs étages...
"Comme la mienne!"
Ce sont d'abord les fusées A2 (A pour Aggrégat), puis les A4 plus connue sous le nom de "V2" ("V" pour "Vergeltungswaffe" ou "arme de représailles") et qui vont pleuvoir sur Londres à partir de 1944.

Mais rassurez-vous, c'est comme dans les films, les méchants ne peuvent pas gagner. A la fin de la guerre, Von Braun est donc jugé et condamné pour la mort de milliers de prisonniers de guerre embauchés à la fabrication des V2 récupéré par la CIA dans le cadre de l'opération Paperclip ("Presse Papier"), comme des centaines d'autres savants nazis du reste. Il est ensuite naturalisé américain, puis confortablement installé à la tête du programme spatial américain avec un salaire de nabab. Programme spatial "civil" largement financé (et trusté) par l'armée...
Tient!? Sergueï Korolev a l'air de trouver que l'idée est bonne lui aussi...


Mais bon, c'est pas pareil, c'est l'armée des gentils.

Car oui : si une fusée peut envoyer des gens dans l'espace, elle permet aussi à l'évidence de balancer des explosif dans la margoulette des pays voisins, ce qui est bien sympa quand on envisage de conquérir le monde, et ce qui permet de se couvrir en disant qu'on travaille sur un programme spatial civil. Ah ah ah!
Lu dans cet article.

Et d'ailleurs c'est bizarre comme la carte des pays détenteurs de l'arme nucléaire (ou en capacité de l'être à brêve échéance) est étonnamment similaire à celle des pays qui ont un programme spatial. Surement un incroyable hasard ou une extrême coïncidence. Voyez plutôt :
Ceci est donc une superbe carte des plus gros faux-culs de la planète.



En juillet 1969, le programme Apollo finit par aboutir, permettant au module Apollo 11 de se poser sur la lune, à Neil Armstrong d'être le premier homme à y poser le pied, et aux soviétiques de pleurer leur mère.
Fait chier! On était les premiers à envoyer un mec dans l'espace quand même merde!
Notons que si des théories fantaisistes reviennent périodiquement pour prétendre que la NASA n'a jamais atterri sur la lune, et que tout était filmé en studio par Stanley Kubrick, la meilleure preuve qu'ils l'ont bel et bien fait, c'est que dans le cas contraire, les soviétiques se seraient fait un réel plaisir de démonter leur combine.

La dernière mission à se poser sur la lune était la mission Apollo 17 en décembre 1972. Depuis, les missions spatiales habitées se sont limitées à l'orbite terrestre basse.

Mais alors, puisqu'on sait toujours fabriquer des fusées, pourquoi est-ce qu'on ne va plus sur la Lune me direz-vous?

Facile :
  1. La course à la lune est déjà gagné. Par les américains. C'est une compétition ou il n'y a pas de deuxième place : t'as perdu, t'as perdu. Point.
  2. Ça coûte une blinde
  3. Les militaires s'en tamponnent : la Lune ne présente aucun intérêt stratégique
  4. L'entropie
–L'entropie?

L'entropie.

–Kezako?

L'entropie, c'est l'augmentation de la désorganisation d'un système. L'usure. La détérioration. La physique considère que l'Entropie de l'Univers (sa désorganisation donc) ne peut qu'aller en s'accroissant. Bref : ça se dégrade quoi. Ce phénomène semble avoir tendance à s'appliquer aux sociétés humaines dans certains cas.

Et bien le voyage vers la lune, c'est pareil. L'Entropie.

Sinon, comment expliqueriez-vous... ça :
(avertissement : le visionnage et surtout l'écoute du morceau suivant peut gravement affecter votre audition et votre santé mentale. On vous aura prévenu!)

3 commentaires:

  1. Bon, pour les ceusses qui sont tombés dans le piège du savant nazi-américanisé, faut quand même dire que le brave Edouardovitch, il est plus connu comme l'inventeur de l'ascenseur que comme celui des fusées...
    Il y a un excellent bouquin (enfin, moi, je l'aime bien) de Clarke "The Fountains of Paradise" qui raconte la construction de l'ascenseur spatial (et qui donne des détails sur la manière dont les gens vont vivre dans cent ans, sauf que ce brave Arthur s'est gouré d'un siècle : le petit ordinateur personnel à qui on demande un peu n'importe quoi, y compris d'envoyer un message lorsque c'est l'anniversaire d'un ami, existe déjà)...

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    1. Oui, je l'ai lu : excellent comme la plupart des bouquins de Clarke. Clarke évoque aussi l'ascenseur spatial dans plusieurs autres romans d'ailleurs : on sent que cette idée lui plait. Par contre, si dans "Les fontaines du paradis" il est en retard sur les petits ordinateurs personnels, dans pas mal de livres, il est en avance sur d'autres choses : en 2001, point d'odyssée de l'espace vers jupiter ou saturne... entre-temps, la conquête spatiale a déraillé.

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  2. Bonjour,

    J’avoue que certaines informations m’ont surprise, car je ne les connaissais pas. J’ai pu faire un petit voyage virtuel dans l’Histoire à travers votre plume. Merci !

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