Je viens d'achever une lecture qui m'a plongé dans un grand désarroi. Non, ça n'était pas un tweet de Nadine Morano ou Christine Boutin. Et pas non plus une nouvelle de Marc Levy ou Guillaume Musso, pas plus qu'un t
raité philosophique recueil de pensées post-it de Nabilla. Quand je dis désarroi, je devrais plutôt dire que c'est une lecture qui m'a glacé le sang. Et il ne s'agit pas du dernier roman de Stephen King, Maxime Chattam ou Harlan Coben. Le livre que je viens d'achever est un livre d'enquête, écrit par la journaliste
Marie-Monique Robin : "Notre poison quotidien" aux éditions La Découverte.
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Pour les rétifs à la lecture, sachez que le film existe, puisque Marie-Monique Robin avait enregistré cette enquête pour la chaîne Arte. |
Oui je sais : je dois être un peu maso puisqu'il semble que j'adore lire des
bouquins anxiogènes. En même temps, c'est cohérent : après le bouquin sur le danger spécifique des médicaments, en voici un qui s'intéresse à l'ensemble des substances chimiques de synthèse, à commencer par les pesticides.
Bon alors, déjà Marie-Monique Robin, ça n'est pas n'importe qui : journaliste d'investigation, elle réalise des enquêtes documentaires très fouillées et sans complaisance, dont certaines sont devenues assez célèbres comme "
Le monde selon Monsanto". A priori ça n'est pas non plus une illuminée : on lui a quand même remis le prix Albert Londres (qui récompense les journalistes) et le prix Rachel Carson (qui récompense les femmes qui se sont distinguées dans la protection de l'environnement). Égérie des écolos et des défenseurs du bio, bête noire de Monsantox™ et autres fabriquants de pesticides, autant vous dire qu'avant même de lire le livre, déjà je l'aimais bien Marie-Monique. Je n'ai pas encore lu ses autres enquêtes, mais je sens que je vais y remédier.
Mais revenons-en à celle-ci. Passionnante, cette investigation est présentée presque comme un roman, dans lequel nous suivons l'enquête au gré des indices et témoignages que l'auteur met à jour aux quatre coins du monde. Nous découvrons ainsi l'ampleur du problème. S'appuyant sur des rappels historiques bienvenus, permettant de comprendre l'origine de certaines pratiques ou de certaines substances, cet ouvrage livre un réquisitoire implacable dont la liste des chefs d'accusation ne cesse de s'allonger et de s'aggraver, jusqu'au point d'orgue final qui nous met au pied du mur :
il est peut être déjà trop tard.
Au commencement, il y avait...
Tout commence par les pesticides. Oh pardon : les industriels préfèrent maintenant qu'on les appelle
produits phytosanitaires ou même mieux encore depuis peu :
produits phytopharmaceutiques! Bin oui,
pesticide ça fait peur : y a CIDE comme dans génocide ou suicide. Alors que phytosanitaire, y a PHYTO (les plantes : c'est bon, c'est bien, c'est bio! Cui-cui les p'tits zoizeaux!) et SANITAIRE (la santé donc! c'est bon, mangez-en!) ou PHARMACEUTIQUE (comme la pharmacie : c'est super, c'est génial ça soigne!... mangez-en qu'on vous dit!). En gros, l'industrie vous fait miroiter ça :
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Oh c'est beau! Il ne manque que des bisounours et des p'tits animaux kikinous genre chatons ou lapinous jolis! |
Alors qu'en réalité c'est plutôt ça :
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"Le masque à gaz? Non c'est pour rien... j'adore me déguiser en Dark Vador c'est tout..." |
Certes, on peut jouer sur les mots, mais les pestiCIDES sont bel et bien destinés à TUER des trucs : champignons, insectes "
nuisibles", "
mauvaises" herbes, etc... D'ailleurs, et Marie-Monique le rappelle dans son livre, les premiers pesticides viennent de... là :
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"Scheiße! Helmüt, z'est toi qui a lâché une caisse?" |
En effet, pour ceux qui l'ignoraient, l'origine des pesticides se trouve dans les tranchées de la guerre 14-18. Enfin plus précisément dans le laboratoire d'un homme, un chimiste allemand patriote du nom de
Fritz Haber, qui synthétisa les premiers gaz de combat (dichlore, phosgène, gaz moutarde ou ypérite... et le tristement célèbre Zyklon B). Après la guerre, l'industrie chimique s'intéressa à ces composés pour l'élimination des nuisibles en agriculture, puisqu'ils avaient fait la preuve de leur efficacité pour l'élimination des "
nuisibles" dans les tranchées.
A titre d'exemple, le phosgène est encore largement utilisé dans la préparation de plusieurs insecticides, dont le
Carbaryl qui était fabriqué à
Bhopal : il est le responsable de la mort de milliers (voire de centaines de milliers sur le long terme) de personnes lors de l'accident qui s'y produisit en 1984. Mais c'était surement phyto
sanitaire ou phyto
pharmaceutique comme catastrophe : les gens ont dû mourir en vomissant des arcs-en-ciel, dans une hémorragie de papillons colorés, le tout en émettant des flatulences délicatement parfumées de rose et de jasmin. Pareil, à
Seveso, c'était sûrement un nuage d'amour qui s'est échappé : les gens sont surement morts d'extase amoureuse le kiki tout raide, sur un malentendu.
Petite anecdote au passage (d'ailleurs présente dans le livre) : Fritz Haber était juif allemand. En exil en Angleterre après son limogeage par les autorités nazies, il meurt en 1934 lors d'un voyage en Suisse. Il ignorera donc que de nombreux membres de sa famille finiront leurs jours quelques années plus tard dans les camps de la mort, à l'aide du Zyklon B qu'il a lui-même conçu. Une sorte de pied de nez du destin... ou un mauvais karma. Fin de la parenthèse.
Notons tout de même que des
incidents se produisent parfois, dont on entend un peu parler. Du coup les politiques pondent une
petite loi sans grande incidence pour satisfaire le petit peuple, un peu trop émotif sur ces questions, et on n'en parle plus. Accessoirement, vous noterez que les enfants ont le droit d'être protégés, mais les vieux (maisons de retraites) ou même les autres gens (habitations, agriculteurs eux-mêmes) peuvent toujours crever.
Heureusement, il y a des garde-fous
–Admettons papa Hérisson... les pesticides sont sans doute issus des gaz de combat : les guerres favorisent souvent l'émergence de nouvelles technologies. Mais il fallait bien augmenter la production agricole après la guerre pour pouvoir nourrir les gens. Et tout le monde sait que les pesticides sont des produits dangereux : c'est étiqueté dessus. Faut prendre des précautions d'emploi, et ne pas dépasser les doses... c'est pour ça qu'il y a des agences sanitaires et des normes qui sont fixées! Y a des études toxicologiques qui sont faites pour ces produits, qui définissent comment les utiliser et les doses à ne pas dépasser!
Belle-maman a coutume de dire : "Les lois sont faites pour les voleurs!". A ce théorème j'ajouterais personnellement les corollaires suivants :
- Les normes sont faites pour les escrocs.
- Les doses maximum sont faites pour les empoisonneurs.
Par les recherches qu'elle a effectuées, les témoignages qu'elle a recueillis, Marie-Monique Robin le montre clairement : le concept de DJA (Dose Journalière Admissible), sous ses beaux atours de calcul scientifique (une "dose par jour par kilo de masse corporelle"), ne repose objectivement sur
aucun principe scientifique démontré. C'est un pur postulat. Non, même pas un postulat, plutôt une sorte de principe intangible communément admis, mais non prouvé. Et pour cause... Tout cela se fonde sur une vieille phrase prononcée par
Paracelse au XVème siècle : "C'est la dose qui fait le poison" (en réalité, ça n'est pas tout à fait ce qu'il a dit... mais qu'importe c'est l'interprétation qui en est faite).
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"Oui tavernier, farpaitement! C'est la dose qui #hips# pait le foison ! Et tant pis. Tient, remets donc une de dose de 'Tant pis' d'ailleurs..." |
Moi je dis que c'est toujours sympa de savoir que notre système de sécurité sanitaire est basé sur un axiome inventé par un alchimiste-astrologue du moyen-âge, sans doute un lendemain de cuite, et jamais démontré depuis. Faudrait demander l'avis du professeur KAOU, grand voyant médium extralucide aux dons surnaturels, pour être sûr je pense. D'autant que des études récentes remettent ce vieux principe en question, au moins pour certains poisons, mais j'y reviendrai...
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Et selon la dose, le professeur KAOU peut te désempoisonner et te démarabouter en 48h, mieux que la Redoute! |
Concernant les études d'évaluation en vue des autorisations de mise sur le marché : pas de surprise, je vous en parlais déjà
ici, elles sont presque toujours menées par les industriels eux-mêmes, tout comme celles des médicaments. Avec la même transparence : chercheurs grassement payés, protocoles discutables, publications soumises à l'avis des financeurs (les industriels qui veulent vendre leur produit donc). Y a pas de raison, si ça fonctionne... et puis d'ailleurs, les labos pharmaceutiques appartiennent parfois aux mêmes groupes industriels que ceux qui produisent pesticides et produits chimiques divers. Sans compter que... les protocoles utilisés pour ces études et leurs résultats bruts sont souvent confidentiels : secret industriel oblige
bien sûr.
Notons que ce même secret industriel couvre également une partie de la composition des pesticides vendus... c'est quand même bien pratique ce
joker là (quoi? du benzène dedans... le benzène est un cancérigène reconnu? Rhoooo non, c'est pas sur la notice le benzène! Quoi, l'analyse du produit montre sa présence dedans... euh... surement une pollution de l'échantillon hein. La composition réelle du produit? Euh... Secret industriel! Hop hop, circulez!).
Et pour ce qui est des agences sanitaires, quand elles ne sont pas noyautées par d'anciens employés des grands groupes de chimie industrielle, leurs membres sont
corrompus rétribués en tant que consultants, ou voient leurs recherches bénéficier d'importantes subventions privées. Mais y a pas conflit d'intérêt hein! Non...
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OMS, FDA et EFSA. Dans l'ordre que vous voulez, c'est pareil. |
Et ne croyez pas que les seuls pesticides sont concernés et se retrouvent dans notre assiette : toutes les préparations industrielles contiennent généralement moult additifs
alimentaires (colorants, exhausteurs de goût, édulcorants, etc...) destinés à rendre les préparations appétissantes, et donc à vous faire consommer. Mais si, vous savez, tous ces E-machin-chouette genre E620, E951, E900 (celui-là, je vous en avais causé
ici, c'est une huile de silicone, dont on se demande franchement ce que ça vient foutre dans la bouffe... et on en trouve dans beaucoup de produits!). Toutes ces substances sont soumises aux mêmes règles pour leur autorisation et utilisent d'ailleurs souvent les mêmes biais pour y parvenir, d'autant que curieusement, ce sont souvent les mêmes groupes industriels qui les produisent (bin, oui ils sont souvent fabricants de pesticides, semenciers, laboratoires pharmaceutiques, industries chimiques et j'en passe. Oui, tout à la fois... après tout, c'est un peu le même métier : fabriquer des produits chimiques de synthèse).
L'auteur cite ainsi plusieurs cas assez connus de substances qui n'auraient
jamais dû être autorisées si le système fonctionnait comme il le devrait : DDT, agent orange, dioxine et atrazine pour les pesticides, glutamate et aspartame pour les additifs alimentaires, distilbène et BPA pour les médicaments... Certaines de ces substances sont à présent interdites. Les autres continuent de nous empoisonner à petit feu, en toute impunité et pour le plus grand bénéfice des industriels qui les commercialisent.
Ne pas dépasser la dose prescrite
Un part très importante du livre tourne donc autour de ce
fumeux fameux principe des Doses Journalières Admissibles (ou DJA). Totalement empirique, et plus ou moins contestable ce concept sert pourtant de fondement aux évaluateurs chargés d'autoriser la vente de produits dont la toxicité est avérée. Il sert également de joker dans la plupart des procès mettant en cause ces substances : bien sûr, seule une mauvaise utilisation impliquant un dépassement des doses peut expliquer la survenance de certaines maladies. Bien sûr. Et un empoisonnement à petit feu, par accumulations de faibles doses dans l'organisme...? Ah bin non : c'est la dose qui fait le poison on vous a dit, donc ça c'est pas possib' monsieur! Donc c'est pas nous, circulez, y a rien à voir!
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Mais non on ne vous prend pas pour des cobayes, je ne vois pas ce qui vous fait penser ça... |
Comme le démontre Marie-Monique Robin sur plusieurs chapitres, non seulement ce système de doses de sécurité est hautement contestable, mais de surcroit il est complètement détourné par les industriels. En supposant qu'il soit effectivement applicable à certains substances, les tests d'évaluations sont presque systématiquement biaisés, avec pour effet de déterminer des DJA parfois fantaisistes ne reflétant pas toujours la dangerosité réelle du produit. Sans compter les effets cocktail, mais j'y reviendrai plus tard.
–Je ne peux pas y croire, il y a bien des études indépendantes, non truquées!
Oh oui! Et pourtant ces études coûtent cher... Mais elles sont noyées dans la masse des études foireuses payées par les industriels, qui en ont les moyens. Disons par exemple que pour une substance donnée, 100 études sont menées. 50 ou plus vont être financées par l'industrie (et bizarrement vont toutes considérer que la substance est sans danger à la DJA préconisée. Sur les 50 autres (ou moins) une partie sera peut être non concluante, et le reste conclura à un danger plus ou moins grand : au bilan, la majorité des études dit que c'est ok, donc c'est ok. Et puis l'industrie n'hésite pas à lancer des campagnes de dénigrement contre les chercheurs qui les titillent un peu trop : scientifiques-caniches qui démontent leurs conclusions, menaces, arrêt des subventions, pressions auprès des universités et des employeurs potentiels pour torpiller leurs carrières... tous les moyens sont bons.
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"Une étude contradictoire? Oui... je me souviens vaguement d'avoir vu... voyons... hum...rhaaaaa zut, je remets pas la main dessus. Bon tant pis, on autorise hein..." |
Mais parfois, la vérité finit par triompher quand même. Et des produits dangereux sont alors retirés du marché. Et puis dans certains cas, la justice finit par s'intéresser à leur cas, lorsque des associations de malades portent plainte, et parfois gagnent les procès sur un malentendu (exemple : amiante, dioxine, Distilbène, etc...).
D'autres, comme l'aspartame (E951), sont toujours autorisés et largement utilisés. Rappelons que l'aspartame est composé de deux acides aminés, naturellement présents dans l'organisme (bien que pas de façon libre), et de méthanol... ce sympathique composé chimique qu'on trouvait parfois dans l'alcool frelaté pendant la prohibition aux USA et qui avait tendance à rendre aveugle, paralytique ou comateux, voire à tuer. Mais je vous rassure, l'aspartame ne se dégrade qu'à partir de 30°c ou bien s'il se trouve en solution aqueuse. Heureusement que l'homme est un animal à sang froid et qu'on n'en trouve pas dans les boissons du style soda light.
Cet additif controversé pourrait être responsable de plus de 80 effets secondaires allant des maux de têtes aux troubles neurologiques, en passant par des nausées, œdèmes, pertes de mémoire, pertes de conscience, difficultés respiratoires, épilepsie, etc... De plus, il est addictif, comme une drogue.
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"Non mais c'est bon, c'est légal : c'est de l'aspartame! On se fait un rail de glutamate après?" |
Quant au glutamate (E621), très largement utilisé dans beaucoup de plats et autres préparations car il simule un goût salé, et augmente la saveur et l'appétence des produits, c'est un neurotoxique. Des études montrent qu'il provoquerait maux de têtes, nausées, courbatures, eczéma (on appelle d'ailleurs ça le syndrome du restaurant chinois, car le glutamate y est très utilisé), et même à haute dose (ce qui peut vite arriver comme il est très utilisé) lésions cérébrales dans la zone du cerveau qui contrôle les fonctions endocriniennes (voir plus bas), troubles du comportement, dysfonctions sexuelles et obésité. Certains chercheurs font le lien entre glutamate et hyperactivité chez l'enfant.
Je vous laisse imaginer les effets de la combinaison (malheureusement fréquente) de ces deux additifs... le tout étant de faire le lien entre ces symptômes, que vous-même avez peut-être déjà ressentis, et la consommation d'aliments contenant ces additifs.
Tu meurs ou tumeur?
–Bah, il faut bien mourir de quelque chose, hu hu hu...
A titre personnel, je préférerais le plus tard possible. Et quitte à mourir, j'aimerais autant mourir en bonne santé, plutôt que des suites d'une longue et sale maladie. Et là justement, l'empoisonnement chimique ça ne tue pas toujours, ça peut juste rendre malade. Voire très malade. Voire tuer, mais sur le très long terme, après un truc pas beau à voir. Une substance qui serait trop mortelle (ou trop rapidement mortelle) pour l'homme se ferait repérer trop vite et n'obtiendrait pas son autorisation. Et puis je l'ai déjà dit : ça n'est pas un complot visant à anéantir l'humanité. Les industriels cherchent à faire un maximum de fric et se fichent des conséquences sanitaires, mais ne voudraient pas qu'on puisse le leur reprocher. Si le lien était trop facile à établir, il y aurait un risque. Du coup, c'est plus insidieux, ces substances provoquent plutôt :
- cancers divers et variés, certains étant ordinairement rarissimes (pouvant certes entrainer la mort, mais allez donc prouver le lien entre votre cancer et l'exposition à une substance autorisée, peut être des années auparavant, dont les évaluations scientifiques n'ont pas démontré de toxicité. Bon courage.)
- maladies chroniques (asthme, troubles du développement chez l'enfant, Alzheimer, Parkinson, sclérose en plaque, etc...)
- allergies
- intolérances alimentaires
- affaiblissement immunitaire
- etc...
Alors oui, bien sûr, il y a le cancer : le vilain crabe que notre médecine peine encore à combattre, et qui sert d'épouvantail (ou de croque-mitaine) aux hypocondriaques de notre société surmédicalisée. Inutile de se voiler la face, l'industrialisation de notre civilisation s'est accompagnée d'une pollution croissante par diverses substances toxiques, clairement corrélée avec une augmentation du nombre de cancers.
–Oui, enfin bon, en même temps les techniques de diagnostic ont évolué : on trouve plus de cancers parce qu'on sait ce qu'on cherche. C'est juste qu'avant, les médecins n'identifiaient pas la maladie. Et puis nous vivons plus vieux, le risque de cancers augmente avec l'âge.
A voir : le cancer est connu depuis l'antiquité. Certes ils sont plus faciles à diagnostiquer, mais l'augmentation des occurrences de cancers n'est pas proportionnelle à l'amélioration des techniques. D'ailleurs les études statistiques menées sur les pays en voie d'industrialisation montrent que la corrélation se situe bien au niveau de l'industrialisation/la pollution d'une zone. Même chose pour le vieillissement de la population : l'augmentation de la proportion de cancers reste nette même si on fait une extraction des données pour tenir compte du facteur d'âge. Du reste, le nombre d'enfants et de jeunes atteints d'un cancer ou d'une leucémie ne cesse d'augmenter... Le problème étant que des années, voire des décennies peuvent s'écouler entre l'exposition et la survenue d'un cancer.
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"Y en a un peu plus, je vous le mets quand même?" |
Précisons aussi que certains cancers sont rares, et tout à fait caractéristiques d'un empoisonnement par certains toxiques : c'est ainsi que l'amiante a pu être reconnue comme cancérigène... tout en restant encore utilisée pendant des années dans certains pays dont la France. Comme vous le voyez, les autorités sanitaires
se foutent de la gueule du monde sont réactives. Enfin, surtout pour autoriser des cochonneries, nettement moins pour les retirer ne serait-ce que par
principe de précaution.
Principe de précaution (masculin)
/pʁɛ̃.sip də pʁe.kɔ.sjɔ̃/
1. Prudence appliquée à la santé publique.
exemple : Les écologistes demandent au gouvernement d’appliquer le principe de précaution sur les OGM.
2. (Par extension) Prudence prévoyant le pire appliquée lors de planification ou d’un procédé décisionnel.
3. Élément anatomique probablement situé à l'entrejambe masculine
exemple : Putain ils font chier ces écolos à la con avec leur principe de précaution de mes deux! L'amiante c'était super génial, qu'est-ce qu'ils viennent nous emmerder et nous empêcher de faire du fric tranquille? Franchement...
J'ajouterai encore qu'il y a seulement deux siècles, le cancer était une maladie rare, voire rarissime. Aujourd'hui, combien d'entre vous ont ou ont eu un cancer? Ou connaissent
directement une personne qui en a ou en a eu un? Au doigt mouillé, je dirais que parmi mes lecteurs la proportion doit être proche de 100%. Un tel sondage eut-il pu être mené il y a 200 ans, je doute que la proportion atteigne ne serait-ce que 30%.
C'est rien, c'est les hormones...
Mais au-delà du cancer, sur lequel les études d'évaluation toxicologiques ont tendance à se focaliser, des problèmes d'un nouveau genre se sont multipliés ces dernières décennies :
- problèmes de fertilité
- troubles sexuels (développements des seins pour les hommes, disparition des testiboules, impuissance, stérilité, troubles de l'identité sexuelle...)
- nombre anormalement élevé de cancers du sein ou de la prostate
- problèmes de développement
- malformations fœtales
- fausses couches
- maladies génétiques
Car, et c'est ce nouveau scandale qui est abordé dans les derniers chapitres du livre, le risque peut ne pas apparaître à la première génération, mais affecter les
enfants des personnes exposées (ou leur capacité à en avoir).
La cause a finit par être trouvée par certains chercheurs obstinés : les
perturbateurs endocriniens. Vous en avez sûrement entendu parler, la presse en parle de plus en plus. C'est logique, il devient difficile de les ignorer. Peut être avez-vous été sensibilisé ces dernières années aux problèmes de fertilité rencontrés par de nombreux couples, que ça soit sur le
blog de Juliette Merris, ou ailleurs, ou peut être même par expérience personnelle. Sachez qu'il y a de fortes chances que cela soit dû à ces fameux perturbateurs endocriniens. Mais késako me direz-vous?
Le nom choisi est moche, mais grosso modo, ce sont des molécules qui dérèglent le fonctionnement
hormonal normal de l'organisme, soit en se substituant à certaines hormones (œstrogènes le plus souvent), soit en inhibant les récepteurs de votre corps qui réagissent à vos hormones naturelles.
Il faut bien comprendre que ces fameuses hormones sont essentielles au fonctionnement de l'organisme : ce sont elles qui régulent l'ensemble des mécanismes biologiques (croissance, développement, comportement, système immunitaire, reproduction, etc...) en activant, renforçant, inhibant ou désactivant certains gènes. En particulier, pendant la grossesse, ces hormones jouent un rôle crucial car elles vont déterminer la mise en place des organes du fœtus au bon endroit et au bon moment. A ce titre, l'équilibre hormonal est extrêmement délicat : les glandes endocriniennes (qui produisent ces hormones) le font à des doses très précises, et à des moments bien déterminés.
Or le problème des perturbateurs endocriniens, c'est qu'ils vont foutre le dawa dans cet équilibre fragile. Et ce qui est ennuyeux, c'est que même des doses très très faibles,
très largement inférieures aux fameuses DJA, suffisent à avoir un effet si ces perturbateurs sont absorbés par l'organisme au mauvais moment. Pour prendre une analogie, disons que votre équilibre hormonal, c'est un bon repas au calme en famille : après avoir mangé l'entrée en discutant tranquillement avec votre femme et vos enfants, vous vous apprêtez à consommer le plat de résistance. Le perturbateur endocrinien, c'est une sorte de punk à chien sous
bath salts qui défoncerait soudain votre porte, viendrait pisser sur votre tapis, vous coller sa batte de baseball dans le rectum, violer votre femme et votre fille et bouffer votre fils avant de partir en vomissant sa bière sur votre plat de lasagne.
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On ne se méfie jamais assez des punks à chien perturbateurs endocriniens! |
Parmi les exemples les plus connus de perturbateurs endocriniens, il y a le
Distilbène, ou encore le Bisphénol A (BPA). Le Distilbène est même un cas d'école : cet œstrogène de synthèse a été distribué pendant des années aux femmes enceintes pour un oui ou pour un non, avant qu'on se rende compte de ses effets
tératogènes. Interdit depuis 1977 en France, il s'est avéré qu'il avait la propriété de traverser la barrière placentaire pour affecter les fœtus en développement, et que des doses parfois infimes, mais prises au mauvais moment de la gestation pouvaient avoir des conséquences dramatiques, et irréversibles (malformations, troubles du développement, prédispositions à certains cancers, infertilité, ...). Sans compter les effets directs sur les femmes qui le prenaient : fausses couches, avortements spontanés, accouchement prématurés, problèmes de fertilité, troubles de la sexualité... Ainsi non seulement cette molécule pouvait affecter les personnes exposées, mais aussi leurs descendants, et peut être même encore la génération suivante.
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Autre exemple, les hormones de croissance peuvent provoquer l'acromégalie. |
Maintenant on parle beaucoup du
BPA, mais ce qu'on dit moins, c'est que lui aussi était à l'origine un estrogène de synthèse. En fait on l'utilisait même avant le distilbène, dans le même but. Lorsque le distilbène a pris sa place, il a été récupéré par l'industrie des plastiques, car il se polymérisait (transformation en plastique) facilement. Bin oui, quoi de plus normal que d'utiliser une hormone féminine de synthèse pour fabriquer des contenants tels que biberons, récipients de cuisine, revêtements internes de boites de conserves, jouets... C'est pas comme si ça pouvait éventuellement avoir des conséquences sur la santé des gens hein! NON MAIS SÉRIEUSEMENT????
Bref, au delà de ces deux exemples assez connus, sachez que de nombreuses molécules utilisées comme médicaments, solvants, pesticides, etc... sont aussi des perturbateurs endocriniens. Sachez aussi que certains se dégradent peu ou pas dans la nature, ce qui fait qu'on les retrouve dans les eaux usées, les rivières, les nappes phréatiques... Du coup les poissons changent de sexe ou deviennent stériles, les batraciens aussi, les oiseaux qui les mangent virent leur cuti, etc... jusqu'à nos assiettes.
Qu'est-ce que je vous sers comme cocktail?
Autre point amusant, les études d'évaluation ne prennent toujours en compte qu'une seule molécule à la fois, afin de déterminer le risque et les doses à ne pas dépasser. Sauf que... cette situation
idéale ne se présente guère qu'en laboratoire. Dans la
vraie vie, les agriculteurs utilisent plusieurs pesticides, les aliments
contiennent plusieurs additifs, les médicaments sont composés de
plusieurs substances (un principe actif + des excipients et autres
solvants)... or, et cela tous les pharmaciens le savent, les effets d'un
mélange de produits chimiques ne sont pas toujours égaux à la somme des
effets de chaque produit pris indépendamment : c'est l'effet cocktail,
il peut y avoir synergie entre certaines molécules.
Sauf que ces effets
cocktails ne sont pas étudiés avant autorisation de mise sur le
marché. C'est ballot.
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"Alors je vais prendre un p'tit mojito-Amiante-BPA-Dioxine... et vous me mettrez deux doigts de sucre de canne et un glaçon avec." |
Des mesures ont ainsi été réalisées aux USA par des organismes officiels ont permit d'évaluer la "charge chimique corporelle" (le cocktail de saloperies chimiques contenu dans votre organisme) : les 2400 volontaires étaient porteur en moyenne d'une charge de plus de 200 toxiques différents. Pas d'étude officielle en Europe, mais une ONG a fait analyser les prélèvements sanguins d'une quarantaine de députés européens volontaires : chacun d'entre eux présentait des traces d'une cinquantaine de substances, dont une proportion non négligeable de BPA. On peut conjecturer que la majorité de la population européenne est dans ce cas, ou pire. Comment s'étonner alors qu' en France
un couple sur 6 en moyenne rencontre des difficultés à avoir un enfant ? Et ça ne fait que commencer... finalement, ça ne sont sans doute pas les cancers dus à la pollution qui vont nous tuer, ça sera juste notre incapacité à perpétuer notre espèce...
Conspiracy theory
–Alors quoi papa Hérisson, ils sont tous corrompus, c'est un complot énorme, ils veulent détruire l'humanité et nous sommes tous en sursis?
Je ne suis pas conspirationniste. Et Marie-Monique Robin non plus du reste. Je m'en étais déjà expliqué, pour moi c'est le
principe de la Biscotte
: face à ce genre de situation incroyable, inutile d'invoquer quelque
conspiration impliquant extraterrestres, illuminati, Bilderberg,
francs-maçons (etc... liste non exhaustive). Une banale combinaison
d'aveuglement, de bêtise humaine, de jemenfoutisme institutionnel, de
corruption et d'appât du gain suffit :
- La plupart des gens font confiance aux institutions (agences d'évaluation)
- Les membres de ces agences font confiance aux chercheurs qui conduisent les études (ou sont corrompus)
- Les chercheurs en question s'en foutent, ou sont corrompus (ou sont
discrédités s'ils s'opposent) et produisent des études biaisées
- Les simples exécutants de l'industrie sont persuadés des bienfaits de leurs produits, démontrés par les études ci-dessus
- Les dirigeants de l'industrie veulent gagner de la thune et se contrebalancent de la
vie des pauvres santé publique
A cela il conviendrait de prendre en compte un autre phénomène : si, à un
moment ou un autre, l'un des rouages du système se rend compte que ça
chie dans la colle, trois choix s'offrent alors à lui :
► il peut faire machine arrière et balancer tout ce qu'il sait, devenant un "
lanceur d'alerte" (comme Edouard Snowden, mais sans la tête de geek, ou Julian Assange, mais sans la protection de l'Equateur). Mais il s'expose alors à devenir la cible d'une violente campagne de dénigrement de la part des industriels concernés tels que Monsantox™ ou autres, sans compter l’opprobre de ses pairs (ceux qui ont toujours la main dans le pot de confiture donc) et les risques de procès...
► il peut aussi
surtout ne rien dire puisqu'il a une part de responsabilité, des fois qu'on viendrait lui reprocher à lui d'avoir laisser faire avant. Et laisser pisser le mérinos en continuant à profiter du système sur le principe du "après moi le déluge". C'est le bon vieux syndrome du "Pas vu pas pris!".
► à la marge, si ça lui rapporte bien ou qu'il a peu de sens critique, il peut même carrément suivre le troupeau et participer à la curée sur les quelques moutons noirs qui ont le tord de l'ouvrir, c'est l'effet de meute.
Alors
à votre avis? Bingo. Bin oui, prendre ses responsabilités, s'acheter
une paire de couilles et assumer ses conneries c'est tellement désuet.
Et du coup, une fois que le doigt est dans l'engrenage, c'est tout le
bras qui y passe. Les vrais malfaisants ne sont surement pas légion, mais ils sont suivis par d'innombrables cohortes d'idiots utiles qui se contentent de suivre le mouvement. Comme le disait Einstein "Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire."
Et puis soyons francs, le premier qui dit la vérité
doit être exécuté, tout le monde sait cela. Alors personne ne veut être
le premier. Du coup, les lanceurs d'alerte sont rares. Ou discrédités. Ou morts
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"Faut que j'vous dise un truc à propos des pesticides... aaaaAAAAaaaaRGH!" |
Et maintenant, on fait quoi?
Autant vous le dire, Marie-Monique Robin ne donne pas de solution miracle. Et je ne l'ai pas non plus. Le bon sens nous recommanderait de manger bio autant que possible, afin de limiter les apports en pesticides (l'agriculture intensive en utilisant beaucoup trop pour que ça ne se retrouve pas sous forme de résidus dans nos assiettes). Cuisiner soi-même des produits frais, afin de restreindre les quantités d'additifs alimentaires (vous pouvez accessoirement vous munir du
petit livre de Corinne Gouget pour repérer les additifs néfastes sur les listes d'ingrédients des produits alimentaires). Essayer de limiter les expositions aux polluants en limitant le nombre de vos produits d'entretien, proscrire l'utilisation d'hormones de synthèses, que ça soit sous forme de médicaments ou de récipients à base de BPA...
Et puis bien sûr, il faudrait réformer les autorités de contrôle, de manière à apporter transparence et indépendance à leurs décisions, qui engagent la santé publique, et peut-être l'avenir de l'humanité. Ok, ça ne dépend pas directement de vous, mais plus vous serez nombreux à savoir, plus ils auront de mal à faire leurs magouilles sans que personne ne proteste.
Informez-vous. Lisez. Soyez critiques, ne prenez pas ce qu'on vous dit pour acquis, surtout si ce qu'on vous dit provient de gens qui y trouvent un intérêt financier. Soyez circonspects vis-à-vis de ce qu'on vous dit dans les médias, et en particulier la presse, car les journaux sont souvent détenus par des groupes financiers ayant des intérêts très... divers. Par exemple, une information peut être prise
de façon brute, avec un seul point de vue... ou en
approfondissant l'information de façon à avoir une vue d'ensemble. Notons que ça se vérifie tout autant dans la presse spécialisée... par exemple, le "Quotidien du médecin" est contrôlé par des fonds de pension, souvent très liés aux laboratoires pharmaceutiques, quand la revue "Prescrire" est quand à elle indépendante. A votre avis, laquelle des deux a tendance à dénoncer les médicaments dangereux?
Et n'oubliez pas que vous avez deux outils : le bulletin de vote, et les cordons de la bourse. Pour le premier, pas forcément grand chose à en tirer, mais sait-on jamais, sur un malentendu, un politicien intègre qui serait arrivé premier à un concours de circonstances... pour le second, à vous de choisir pour qui et surtout pour quoi vous allez les délier.
Soyez un consommateur qui sait ouvrir sa gueule, ou bien vous finirez par être un con sommé de la fermer.
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Attention mademoiselle, il n'est pas dit que ce truc ne contienne pas de BPA... |
Et puis sinon, croiser les doigts pour que la prochaine catastrophe sanitaire ne soit pas la dernière, et suffise à ouvrir les yeux des décideurs... oh punaise, ça pue quand même!