dimanche 19 novembre 2017

Qui a peur du Grand Méchant Mou?

Prologue
Montagnes de l'Himalaya, royaume du Khupal, à la frontière avec le Boukistan
Ça n'était pas un hasard si ces montagnes avaient été surnommées "le toit du monde". De chaque côté de l'hélicoptère gros porteur défilaient de hauts pics qui semblaient tutoyer les cieux tels d'immenses piliers célestes abandonnés là par quelque dieu négligent.

Le "colonel" se faisait cette réflexion silencieusement, lorsque la voix de sa voisine de cabine grésilla dans l'écouteur.
"–Ça fait plus de deux mois qu'il n'a pas donné de nouvelles... comment avez-vous réussi à la localiser? Qu'est-ce qu'il ficherait ici dans le trou du....
–Le Khupal. Oui. C'est bien ce que m'a indiqué mon informateur."
L'homme en uniforme tourna la tête vers la femme, une rousse en tailleur stricte qui le regardait d'un air sceptique.
"–Croyez-moi, l'homme qui m'a renseigné est fiable.
–Un ami à lui?
–Son garagiste. Youri. Ou Sergueï, ou peut-être Vladimir,  je n'ai jamais su en fait... bref, il m'a dit texto : "Lui fatigué. Lui tout mou. Lui besoin pause. Khupal. Vous partir maintenant, sinon je tirer kalachnikov."
–Admettons, répond la rouquine en levant les yeux au ciel. Mais le Khupal, même si c'est un petit pays, c'est vaste. Pourquoi ici spécifiquement? Pourquoi dans ce monastère Bouddhiste?
–Pas Bouddhiste, Mouddhiste...
–Pardon?
–J'ai dit pas Bouddhiste, mais Mouddhiste. C'est un monastère Mouddhiste. S'il est "mou" pour reprendre les termes de Alexeï, je pense que ça veut dire qu'il est atteint du syndrome du Grand Méchant Mou. Dans ce cas c'est forcément l'endroit où il est venu se mettre en retraite du monde. Les mouddhistes ont fait de ce syndrome un mode de vie."
"–C'était pas ma guerre..."
La rousse s'apprêtait à ajouter quelque chose, mais le pilote sembla avoir repéré son objectif. Désignant du doigt un bâtiment à l'architecture curieuse accroché à flanc de montagne, sa voix grésilla dans les écouteurs de ses passagers.
"–C'est là, à 14h!"
Le monastère Mouddhiste s'étalait sur la paroi montagneuse tel un flamby ramolli dans une assiette. Avisant un haut plateau dégagé, non loin du bâtiment, l'appareil massif se posa avec l'habileté liée à de longues heures de vol du pilote. Tandis que les passagers descendaient de l'hélicoptère, plusieurs moines mouddhistes en robes chamarrées venaient à leur rencontre d'une démarche trainante. Le "colonel" s'avança en boitillant. L'un des moines s'avanca vers les visiteurs et prit la parole dans un français approximatif :
"–Soyez bienvenus nobles étrangers. Vous venir pour rencontrer Sa Sainteté Dalaï Le Mou?"
L'homme en uniforme s’apprêta à répondre, mais la femme en tailleur lui grilla la politesse :
"–Non. Nous recherchons un homme. Un homme venu dans votre monastère pour s'y exiler.
–Si lui venir exil ici, pourquoi vous venir déranger lui? interrogea le moine.
–Nous avons besoin de cet homme pour... une mission de première importance.
–Et... vous être? demanda le moine.
–Je suis... vous pouvez m'appeler colonel Trotte-mal, répondit l'homme en uniforme. Rapport à ma jambe en galère. Et voici Miss Terry Heuze.
–Et qui vous chercher?
–Ça me parait évident, nous cherchons... Papa Hérisson!"
Où est Papa Hérrisson

Le syndrome du Grand Méchant Mou

Oui. Je sais. Ça fait des plombes que je n'ai publié aucun article. J'ai honte. Enfin un peu... et pourtant, je suis bien d'accord, c'est pas les sujets qui manquent en ce moment : autodafé réforme du code du travail, Paradise Papers, affaire Weinstein, indépendance de la Catalogne, affaire du Glyphosate, Nicolat Hulot en train d'avaler des couleuvres anacondas au mètre linéaire...

–scandale de la prostitution dans la téléréalité révélé par Jeremstar...

JeremQui ça? Bof, peu importe... Bref, mais #cépamafote, c'est la faute du Grand Méchant Mou. Le Grand Méchant Mou, c'est ce truc qui te choppe parfois : tu as des trucs à faire (genre plein!), tu as toutes les raisons de les faire (de bonnes raisons), le temps pour ça (plus ou moins), mais... rien. Nada. Walou. C'est pas tout à fait comme le syndrome de la page blanche hein... des idées de sujets d'articles, c'est pas ce qui me manque (cf  sujets ci-dessus), mais juste impossible de trouver la motivation.


Bon, notez bien que je suis loin d'être le seul hein : ça semble même plutôt fréquent en automne. Il fait gris, il fait froid, il fait humide, on est tous un peu malades, un peu frigorifiés, bref :
L'hiver arrive.

En gros, t'as juste envie de t'emballer dans un plaid polaire devant ta cheminée en sirotant un chocolat chaud tout en caressant ton chat qui va laisser tous ses poils sur ton plaid et te déclencher un choc anaphylactique.
Sluuuurp!
Et puis soyons honnête : il y a tant de motifs d'indignation dans l'actualité que ça en devient épuisant. Trop nombreux. Tu montes en pression, et là un autre truc déboule, tu monte aussi sur ce nouveau cheval de bataille, mais avant que tu ne te lance, un autre arrive et... tu laisses tomber. Trop nombreux.
"–Je vais tous vouuuuus... euh... oups!"

D'ailleurs, objectivement, je ne dois pas être le seul : prenez les ordonnances sur la réforme du code du travail. A en croire les sondages, une majorité de français y étaient opposés. De nombreux experts pronostiquaient une rentrée sociale chaude-bouillante, des grèves et des mouvements sociaux à n'en plus finir et... finalement rien. Zob. Que dalle. Nada. C'est pas que tout le monde s'en fout hein... et d'ailleurs ça peut encore péter, plus tard, c'est juste que là, tout le monde est las. Plus de courage. Tous mous. Le Grand Méchant Mou. D'ailleurs je soupçonne vaguement que Jupiter Junior l'a parfaitement compris...
"–Mouahaha! Punaise, comment je les ai tous niqués!"
Franchement, c'est vrai! Même Hulot est atteint : entre la prolongation des centrales nucléaires, le glyphosate, les pesticides tueurs d'abeilles et j'en passe, même Jean-Vincent Placé aurait posé sa dém'. Mais Nico? Non. Alors de deux choses l'une : soit ce mec a vendu ses testiboules dans une brocante et s'est laissé pousser les dents pour rayer tous les planchers de l'Elysée, soit il est atteint du syndrome du Grand Méchant Mou.

Pire! Environ 15.000 scientifiques (15.000!!!) ont co-signés une tribune, un appel, pour alerter sur la situation catastrophique de notre planète, gravement menacée par l'activité humaine. Attention hein? Ça rigole plus, les grosses têtes nous préviennent : si on continue de chier dans la colle comme ça, c'est l'avenir de notre civilisation voire de notre espèce qui est menacé. Logiquement, un truc pareil devrait faire les gros titres de tous les journaux, de toutes les télés. Une réunion d'urgence devrait être convoquée à l'ONU en mode film-catastrophe-on-va-tous-crever, et des décisions drastiques devraient être prises. Et... et...
Et bin on n'est pas dans la merde...

Rhaaaa punaise, rien que d'en parler ça m'énerve!

Que... mais oh. Je... je suis énervé? Mais alors... ça veut dire que... JE SUIS GUERIIIII!!! Purée, maintenant ça va chier!!!!
"–Tu vas l'avoir ta putain de gueeeeeerre!"
Epilogue
Le colonel Trotte-mal et son acolyte suivent à présent l'homme en habit coloré. Celui-ci écarte un rideau pour les laisser passer. Miss Terry Heuze et le colonel balayent la pièce du regard. Parmi les personnes présentes, son regard se pose soudain sur celui qu'il cherche. Assis en train de déguster son repas, se trouve Papa Hérisson. Ce dernier lève soudain les yeux vers les nouveaux venus. Les identifiant soudain, ses épaules s'affaissent comme sous l'effet d'une profonde lassitude.
"–Bon sang! Paul Bismuth! [cf cet article, mais aussi celui-ci ou encore celui-là] Mais qu'est-ce que vous fichez ici? Et pourquoi en uniforme? Et c'est qui la rouquine qui vous accompagne? Votre avocate? Vous avez encore fait une connerie?
–Je vous ai déjà dit de ne pas m'appeler comme ça, répond l'homme en uniforme. Je suis le colonel Trotte-mal à présent. Et je suis officier des SAS. Et voici Miss Terry Heuze du FBI.
–Sans rire? Le Special Air Service et le Federal Bureau of Investigation?
–Euh... non, répond la femme rousse. Les Sections Anti-Sexisme et le Feminisme en Bataillon International.
–Je me disais aussi...
–Nous nous sommes donnés du mal pour remettre la main sur vous M.Papa Hérisson, reprend-elle. Ça fait des mois que vous aviez disparu de la circulation! Nous avons suivi votre piste jusqu'au bout du monde, jusqu'à ce monastère Mouddhiste à la frontière entre le Boukistan et le Khupal..."
Papa Hérisson s'esclaffe.
"–Sérieusement? Mais qu'est-ce que j'aurais été f... là-bas?"
Miss Terry Heuze jette un regard noir à son compagnon.
"–Bon, ok, j'ai mal interprété une information. Mais comment j'aurais pu deviner que "Khupal" désignait un restaurant indien à deux pâtés de maison, hein? Hem. Bon, ceci dit, rétorque Trotte-mal, ça nous a permis de rencontrer le Dalaï Le Mou.
–Ah. Et alors? Il est comment?
–Mou. Très mou.
–Oh. Cool. Je devrais peut-être y aller dans ce monastère finalement...
–Ah non c'est bon maintenant, s'énerve Terry. On a déjà eu du mal à vous retrouver dans ce pu**** de restaurant indien au fin fond du trou du cul de la France! On a besoin de vous!
–Besoin de moi? Et pourquoi donc?
–Pourquoi? POURQUOI? Non mais vous suivez les infos ou pas? s'énerve la femme rousse, son visage prenant un teinte assez proche de celle de ses cheveux.
–Bof. En ce moment,pas plus que ça je l'avoue...
–Et bien sachez que depuis quelques semaines, c'est la GUERRE M. Papa Hérisson! La guerre des sexes!
–Pffffffff...
–Ah bin super, ça a l'air de vachement vous motiver... le sexisme, les violences faites aux femmes, toussa, vous ne vous sentez pas concerné même un tout petit peu? Bravo, bel esprit!
–Non mais si hein... au contraire! Toute cette histoire là, Weinstein, #balancetonporc, #metoo, tout ça... je vous soutiens à mort les filles hein! Et pis en plus, je m'en fais pour l'avenir de Xéna avec toutes ces conneries. Je ne demanderais qu'à vous aider, faire un article, m'indigner, toussa... c'est juste que là... je suis atteint du syndrome du Grand Méchant Mou.
–Oui, bin vous allez me faire le plaisir de vous secouer le croupion, parce que ça urge!
–Rhaaa, punaise on peut même plus avoir la paix pendant qu'on bouffe des samoussas maintenant. Je peux finir mon houmous quand même?"
Le houmous, c'est bon. Et c'est mou.