mercredi 30 décembre 2015

Le choix des mots, l'époque des photos


La semaine dernière, j'étais en vacances.
Oui, enfin ça c'est la théorie...
Et quand je suis en vacances, je me retrouve un peu coupé du monde car :
  1. j'ai pas la télé
  2. je capte pas la radio
  3. je ne lis pas la presse écrite
  4. j'ai pas de smartphone j'ai un smartphone mais pas de forfait data
  5. c'était la semaine de Nowël = plein de trucs à préparer
  6. j'ai deux gnomes en pleine possession de leurs moyens, avides d'apprendre des trucs et de dépenser leur énergie, ce qui signifie qu'il ne faut pas compter avoir du temps pour glandouiller sur les internets en zieutant les infos
Du coup, quand je reviens de vacances et que je tombe sur "ça"...
Nul doute que les terroristes doivent avoir bien les chocottes là...

... et sur ça...
"–La France aux fran... euh... aux Corses, aux Corses!!!"
 ... et bin ça me laisse une drôle d'impression vois-tu...
Mais... mordel de berde! Tu pars DEUX minutes, et c'est déjà le dawa? Pire que des gosses!


Bon. Il y a déjà quelques temps de cela, un peu par hasard, j'avais entendu parlé d'un bouquin écrit par Alain Bentolila : "Comment sommes-nous devenus si cons?". Tu t'en doutes ami lecteur (oui, j'ai décidé de te tutoyer aujourd'hui, je trouve que c'est plus sympa... et puis on commence à devenir intime non?), rien qu'à la lecture du titre, j'avais déjà  autant d'étoiles dans les yeux qu'un hamster épileptique sous LSD en train d'écouter Lana Del Rey.
La réponse à cette question simple donne une vague idée de l'infini...
Autant le dire franchement, je frétillais également d'aise à l'idée de t'en extraire la substantifique moelle dans l'un de mes billets. Et quand je l'ai eu entre les mains, je commençais à baver et à convulser légèrement. Sauf que finalement, à sa lecture : bof. Ok, un peu quand même puisque je l'évoque ici même, mais surtout parce que le titre est parlant en fait.

Bon, objectivement le livre n'est pas mauvais hein, il est même assez intéressant. Mais pas transcendant non plus. Sur le principe, rien à dire, l'analyse est implacable : la maîtrise de la langue part en cacahuète, ce qui tend à rendre la communication entre les individus de plus en plus basique. Et donc à rendre ces mêmes individus de plus en plus cons.

Alors bon, oui : c'est vrai qu'une langue c'est quelque chose de dynamique, qui évolue perpétuellement. Il suffit de se fader un bouquin en vieux français, genre Chrétien de Troyes (je n'ai pas dit Lanfeust de Troyes) pour se rendre compte que quelques siècles suffisent pour qu'on ne bite plus un traitre mot à la jactance de l'époque. Mais bon, sur quelques siècles, ça peut encore se concevoir, et ça ne met pas en péril la nation. En revanche, quand le problème de communication se pose sur une intervalle de disons 60 ans (l'écart d'âge typique entre un d'jeuns dont le nez laisse échapper des vapeurs de oinj plantes qui font rigoler, et un sénateur dont le rectum laisse échapper des vapeurs de fosse sceptique de décomposition avancée de vieux), c'est plus ennuyeux.

Notez que dans ce bouquin que les différents médias (internet, télé, radio, presse écrite) et les journalistes se prennent quelques balles perdues au passage en prennent aussi pour leur grade, ce qui est plutôt justifié convenons-en. Le problème c'est que ce brave Alain a manifestement quelques comptes à régler avec le ministère de l’Éducation Nationale et ses grand-messes pédagogico-médiatiques servant plus à redorer l'image d'un ministre (en l’occurrence Segolène dans le bouquin) qu'à faire avancer le schmilblick. Si je ne saurais lui donner tort, je trouve néanmoins que ça enlève de la profondeur à ce livre, en transformant certains (longs) passages en vulgaire bataille de crottes de nez.

Bref, un livre qui souffre de longueurs. En plus dedans il n'y a ni vampires ni beau gosse ténébreux pratiquant le BDSM. C'est nul. Il n'y a pas non plus l'humour décapant de Ginie (Femme Sweet Femme) qui a déjà commis son premier roman avant d'attaquer le suivant. Autant dire qu'il ne justifie pas une chronique à lui tout seul.

Pour autant,  l'auteur est linguiste et il sait de quoi il parle. Alors quand il explique que le langage est un code, un référentiel commun  dont les règles (grammaticales, syntaxiques, etc...) sont destinées à permettre une compréhension mutuelle sans équivoque, ça m'interpelle au niveau du vécu tu vois... Surtout en cette période faste, riche de mots grandiloquents tels que "liberté d'expression", "union nationale", "laïcité", "jihadisme", "déchéance de la nationalité"... Alors je me dis qu'effectivement, nous sommes en train de devenir très très cons, et qu'il serait grand temps que les Mots, surtout ceux qu'emploient les gens qui nous dirigent ou ceux qui passent leur temps à montrer leur mouille à la télé, servent à autre chose qu'à exciter le cerveau limbique (mais si, vous savez, l'homme préhistorique un peu basique qui sommeille en chacun de nous) du citoyen lambda. Je veux dire : ça serait peut être sympa qu'on réapprenne à communiquer. Pas dans le sens "voyez avec mon conseiller en communication svp" ni dans le sens "expliquer de quoi vous avez besoin, je vous expliquerai comment vous en passer", mais plus dans le sens "tient, et si on échangeait des informations intelligemment avec des mots?".


Surtout que les mots véhiculent quand même des idées. Et que parfois, ces idées et bin elles puent un peu. Heureusement, puisque nos politiciens ne mesurent plus le poids des mots, il reste encore les photos...

Ok. Donc là je vais peut être éteindre internet et retourner m'occuper de mes gnomes en fait.

Et merde.

Bon bah... bonne année 2016 quand même hein...

mardi 15 décembre 2015

L'honneur de l'amère patrie

La patrie est blessée. Notre patrie. Une patrie outragée! Une patrie brisée! Une patrie martyrisée, mais une patrie... libérééééée! Délivrééééééeeee! ♫♪


Ah ça! Depuis quelques semaines, la patrie on nous en rebat les oreilles hein. On en bouffe du patriotisme! Et que j'te fasse tourner en boucle la Marseillaise...

♫ AlonZenfandelaaaa PATRI-I-EUH... lejourdeglôôôaaaarétarivé ♪

... et que j't'affiche du drapeau tricolore en veux-tu en voilà...
Gilbert Montagné Like this

... et que j'te balance du "liberté-égalité-fraternité" à toutes les sauces, entre deux masturbations intellectuelles sur les valeurs éternelles de la France pays des droits de l'homme, de la liberté de la presse, de Voltaire et Zadig Rousseau, du saucisson et du pinard. Bla bla bla.

Et pour les sauvegarder ses valeurs, figurez-vous que la France fera ce qu'il faut. Y compris les abandonner.

–Hein?

Non mais juste le temps de mettre la misère aux méchants hein... je vous rassure. Ohla si si, pas d'inquiétude! Rhoooo... Pfff, que n'allez vous pas penser bande de margoulins complotistes à la petite semaine! C'est l'affaire de quoi? Pfff, 15 jours... Bon allez, trois mois!... Ok... six mois grand max hein!... Enfin bon, sauf si les méchants recommencent parce que là...

Bref. Comme je vous sens un tantinet inquiets, je vous propose de vous expliquer comment la France espère en vain va mettre sa raclée à ces gros bâtards de terroristes. Voici donc (Oh! Bad!) :

Leçon d'antiterrorisme : l'amer docu


1.Leçon n° 1 : Tester ses résistances
Comme le dirait John Rambo : et maintenant, ça va chier!
Attention, ça ne rigole plus!
Non parce que jusqu'ici, les gros navions ils faisaient du macramé tu vois. Mais là, maintenant, ça plaisante plus, on est un peu chafouins. On en a gros!

Non mais, ok, d'accord : on les bombardait déjà, mais jusque là c'était juste pour déconner : on lâchait les bombes sur des cailloux, des buissons, des licornes, des civils innocents... Mais maintenant : fini de jouer. On va balancer nos bombes sur... euh... les méchants. Voilà. C'est dit. Pourquoi on l'a pas fait avant? Euh... non mais c'est parce qu'ils se planquaient. Au milieu de civils. Tandis que maintenant... euh... pareil, mais ça rigole plus voilà. On en a gros!
Et on veut être considérés en tant que tel.
2. Leçon n°2 : Prolonger la magie du premier regard
Parce que 12 jours c'est un peu court pour un état d'exception au fonctionnement normal de la justice en France, le gouvernement a décidé de le prolonger à trois mois.. Trois mois, c'est mieux. Voire six hein... ou plus s'il le faut. C'est vrai quoi : être obligé de demander l'avis d'un juge pour perquisitionner chez les gens, ou les assigner à résidence, quelle plaie franchement... En fait, si on f'sait ça tout le temps? Ça serait sans doute pas mal non?
Franchement, si les juges et les avocats servaient à quelque chose, ça se saurait non?

Non parce que c'est pas comme si l’État d'Urgence pouvait conduire à des abus quoi! C'est un truc d'exception, mais parfaitement maîtrisé, dans lequel chaque étape est parfaitement sous contrôle de... euh... enfin, on ne peut pas faire n'importe quoi avec... euh... Oh et puis merde : nous on est les gentils, et eux ce sont les méchants. Epicétou!


3. Leçon n°3 : Arrondir les angles
Les terroristes ont tenté de s'en prendre aux valeurs que nous défendons, aux droits de l'Homme qu'ils exècrent. Du coup, la meilleure réponse à apporter consiste à passer un coup de fil au Conseil de l'Europe pour lui dire que les droits de l'Homme, on va déroger un peu...

"–Allo? Le Conseil de l'Europe?
–Oui? Qui est à l'appareil?
–Ici c'est la France, c'était pour vous prévenir : les droits de l'Homme toussa, on va s'asseoir dessus un petit peu. Mais juste le temps de péter la mouille des vilains quoi!
–Ah... mais... euh... c'est pas justement ce que vous leur reprochez, de ne pas respecter les droits de l'Homme?
–Ah mais non, mais oui, mais c'est pas pareil. Nous on est les gentils, et eux ils sont les méchants.
- Pourquoi me veut-il du mal ?
- Parce que c'est un méchant.
- Mais, pourquoi moi ?
- Parce que t'es une gentille !

–Ah d'accord. Bon bin, YOLO hein, faites vous plaiz'
–Oui. Allez, bisous, topette!"

Faire une pause sur les valeurs qu'on veut défendre et qu'ils attaquent : ça c'est de la stratégie. C'est un peu comme si on avait flingué tous les juifs en 1940 pour emmerder Hitler. (Oui, je sais : je m'auto-inflige un point Godwin).


4. Leçon n°4 : Jeter le trouble dans son esprit
Combattre l'ennemi, c'est d'abord identifier l'ennemi. Et de ce point de vue, nous avons un avantage, car l'ennemi est reconnaissable assez facilement.
"L'ennemi est bête : il croit que c'est nous l'ennemi, alors que c'est lui !"


Identifier l'ennemi, c'est facile : il est barbu, porte des vêtements bizarres qui ressemblent à des sortes de djellabas, parle avec des types chelous qui s'expriment en Étranger (langue mystérieuse et incompréhensible au commun des mortels), parle sans cesse de je-ne-sais-quoi Ackbar, pratique une religion pas très catholique, a tendance à partir dans des délires mystiques avec des histoires d'élu ou je ne sais quoi, a un goût prononcé pour les tenues vestimentaires féminines assez discutables, et de façon générale il a l'air assez suspect.
Surveillez bien les amis, je sens que dans les jours qui viennent, le GIGN et le RAID vont pouvoir se faire plaisir à la sortie des cinémas...
 Tandis que le "pas ennemi" est un type normal du genre plutôt passe-partout. Ou pas.
Euh...

Et sinon il restera toujours la solution de Donald Trump, hmmm?

5. Leçon n°5 : Resserrer les liens
Identifier l'ennemi c'est une première étape. Une fois cela fait, on lui colle une fiche S et déjà il fait moins le malin. Mais des fois que ça ne suffirait pas, il importe de l'empêcher d'accomplir sa sinistre besogne (poser une bombe, transformer d'honnêtes citoyens en hachis parmentier à la kalach', cultiver et vendre des fruits et légumes bio, manifester, s'indigner,...).
Attention, cette pomme bio radicalisée est prête à s'attaquer à nos familles le couteau entre les dents! Qu'on se le dise!

Heureusement, l’État d'Urgence permet de coller au gnouf d'assigner quelqu'un à résidence sans demander la permission à un de ses mollassons de juges trotsko-islamo-gauchiste. Comme ça, pif pouf. L'inconvénient, c'est que ces margoulins de fichés S pourraient chercher à s'échapper. Du coup, ça serait sans doute pas mal de regrouper tous ces vils malandrins, et de les foutre dans un camp de conce... dans un centre de rétention histoire de pouvoir garder un œil sur eux quoi...
Je me disais bien que mes amis qui étaient devenus Végans étaient suspects...

Voilà voilà. Non mais ne voyez pas le mal partout on vous dit : eux c'est les méchants!!!!

6. Leçon n°6 : Gérer son stress
Viander les méchants c'est bien, mais apprendre à résister à leurs attaques, c'est mieux. Heureusement, le gouvernement pense à vous en vous expliquant comment réagir efficacement à l'aide d'un schéma bien pensé.
Enfin des instructions de sécurité qui s'appuient sur nos points forts : la bouffe, et la baise.

Je pourrais aussi évoquer les envies de contrôle d'internet à faire pâlir Pyongyang de jalousie (si la Corée du Nord disposait d'un accès internet autrement que par des ficelles reliées à des pots de yaourt bien sûr) mais ça, c'est juste encore à l'état de projet.

Mais bon, franchement, si après ça vous n'êtes pas rassurés, je ne peux plus rien pour vous.