jeudi 17 avril 2014

–J'aime pas ça! –T'as même pas essayé!

Ceux qui ont des gnomes (ou qui en en fréquentent, ne serait-ce que ponctuellement... autant dire la plupart d'entre vous je pense) ont surement déjà entendu cette petite rengaine :

–J'aime pas ça!

Brandie comme une excuse incontournable vis à vis de tout aliment –et plus généralement toute activité– que le gnome ne trouve pas "agréable", cette petite phrase peut se traduire en français (cf. dictionnaire Gnome/Français-Français/Gnome parut chez Harreu'h™) par : "On veut changer mes habitudes. J'aime pas trop beaucoup ça. J'ai même pas envie de faire l'effort d'essayer pour voir si ça me plait. Si on insiste, je vais faire un gros caca nerveux!"
Bien sur, toute tentative de raisonner/faire appel au bon sens/faire appel à la bonne volonté/culpabiliser/intimider à l'aide de phrases du style :
–Mais... comment tu peux dire ça? Tu n'as même pas essayé!
–Mais si tu vas voir, c'est bon!
–Allez... pour faire plaisir à maman/papa
–Les petits enfants africains qui meurent de faim, ils le mangeraient eux!
–Si tu ne mange pas, Leguman va venir t'en coller une! Et son pote c'est le père Noël!
est vouée à un échec plus ou moins cuisant.

Bien, sur, certains aliments sont plus répulsifs que d'autres. Pour l'exemple, citons en vrac :
  • Le choux-fleur
  • Les haricots-verts (plus généralement, tout aliment vert est considéré comme suspect par le gnome moyen)
  • La plupart des légumes (sauf les frites bizarrement)
Mange tes légumes! Sinon Leguman viendra te donner la fessée chenapan!
  • Les champignons (oh hé hein... y'en a qui sont dangereux, non mais ho!)
  • Le coquillages, et les fruits de mer, voire à l'extrême tout produit de la mer (ceci étant, vu la tronche d'un concombre de mer, ça peut se comprendre) 
Et si ça concerne des activités :
  • Faire une longue ballade. A pied. Oui, juste une ballade, sans jeux pour enfants, sans jouets, sans vélo, sans télé avec dessins animés...
  • Allez chez le médecin (oui, on parle bien du type qui va te coller sa seringue à l'aiguille disproportionnée pleine de vaccin dans le jambon, en ayant le culot de prétendre que "ça ne fait pas mal, alors rhooo bon arrête de pleurer comme une mauviette")

"–Penchez-vous en avant... toussez... attention, ça va piquer légèrement"
  • Avaler un médicament
  • Apprendre ses tables de multiplication/ses verbes irréguliers/ses déclinaisons latines
  • Aller chez tatie Carabosse qui fait des bisous qui piquent (les gènes de hérisson surement) et qui fait du choux à manger (berk!)

Bon, après, certains gnomes la brandissent plus que d'autre hein... Si je peux vous en parler en connaissance de cause, c'est non pas à cause de mes gnomes (même si ça leur arrive ponctuellement), mais parce que j'ai moi-même été un gnome très difficile sur le plan alimentaire, et qu'on a vite fait d'être considéré comme un extraterrestre lorsqu'on ne mange pas comme les autres (les entomophages et les vegans pourront vous en parler). Oui : j'ai été. Je ne suis plus. Car oui, on peut s'en sortir...

Réunion des AA (Autistes Alimentaires) du 34 noctembre 20XX :

–[parrain] Merci à tous d'être là, aujourd'hui nous accueillons un nouveau membre. Présente-toi au groupe je te prie...
–Alors déjà on va arrêter de se tutoyer, on a pas lapidé des skybloggeur ensemble...
–[parrain]Hem... oui bon...
–Alors : bonjour, je m'appelle Papa Hérisson...
–[groupe] Bonjour Papa Hérisson
–C'est un peu flippant votre truc quand même... bon, donc, je m'appelle Papa Hérisson et je suis Autiste Alimentaire...
–[parrain] C'est bien, déjà vous avez fait un pas en avant en acceptant de reconnaitre votr...
–Non euh... Arrêtez de m'interrompre, je vous promets : ça devient vachement malsain. Je pourrais vous péter les dents de dépit je crois.
–...
–Donc, je m'appelle Papa Hérisson et je suis Autiste Alimentaire. Mais ça va mieux, la semaine dernière j'ai mangé des petits pois-carottes, et hier des haricots verts.
–...
–Là c'est bon, vous pouvez y aller.
–[groupe] Bravo! *clap clap*
–[parrain] C'est bien Papa Hérisson, tu... euh... vous êtes sur la bonne voie. Maintenant, la prochaine étape, ça va être d'en prendre plus d'une bouchée. Et sans les trois tartines de pain beurré pour masquer le goût!
–Je... ne... NOOOOOOOOOON!
"–Je fais ce que je veux, t'es pas mon père!
–Puisqu'on en parle, justement..."

Oui, euh... non, pas de cette façon. En exclusivité, je vais vous livrer ma méthode infaillible contre le "J'aime pas ça".
"–Euh... ça dépend, les nouilles, ça compte comme un légume?
–Ok, ça va coûter cher."
Remarque : si vous avez coché "Vous êtes : Euh" et "Aimez-vous les légumes : non", vous n'êtes pas forcément difficile. Il y a en fait une chance non négligeable que vous soyez un hybride humain/réticulien (donc asexué) et que vous vous nourrissiez uniquement d'un liquide nutritif saturé d'enzymes et de protéines, absorbé à travers les pores de la peau. Cette envie irrépressible de mutiler des bovins et d'exterminer l'humanité que vous éprouvez en est également un symptôme. Où alors c'est juste que vous êtes complètement cintré.
Ça va bien se passer. Vous allez passer cette chemise... oui, je sais, les manches ne sont pas pratiques...

Mais avant, il faut bien comprendre ce que ressent un gnome difficile sur le plan alimentaire, et pour une fois je vais essayer d'être un peu sérieux. D'abord, mettons nous bien d'accord : je parle bien d'enfants difficiles, pas allergiques (ce qui est un autre problème). C'est à dire que ça se joue bien au niveau psychologique et non physiologique (même si à la marge ça peut déclencher des nausées et des vomissement par auto-conditionnement). Je suppose que dans une certaine mesure, c'est une forme de trouble alimentaire de nature psychologique qui se rapproche de l'anorexie ou de la boulimie (simple hypothèse, seul un psy pourrait le confirmer).

Il faut bien comprendre qu'être difficile n'est pas un choix délibéré. Tous petits, lors de la diversification alimentaire, les enfants refusent rarement de goûter un plat. En général, ça vient un peu plus tard, vers les 2-3 ans (la période du non) : je pense que c'est à ce moment qu'une partie du problème peut se jouer. Du coup, il faut le voir plutôt comme une (mauvaise) habitude qui s'installe dans la durée, et ce d'autant plus qu'elle est prise jeune, que comme un problème physique.

Ensuite il faut savoir que lorsque l'on prend conscience d'être difficile (généralement parce que les repas à l'extérieur sont un calvaire car peu de plats sont à votre goût), on le vit mal : honte, culpabilité, ressentiment, envie de violence, redroom, redroom... Cela peut rendre les interactions sociales compliquées car beaucoup de ces interactions se font autour d'une table (sortie restau, banquet de mariage, repas de réveillon, etc...). Cela peut d'ailleurs conduire à inventer toutes sortes d'excuses plus ou moins foireuses (pseudo allergie, sois-disant malade, risque de se transformer en gremlins, etc...) pour échapper aux repas, ou simplement aux très nombreux plats que l'on aime pas. Bref, c'est pas la joie. Alors, être difficile : est-ce une traversée du désert? Et pour s'en guérir : est-ce le chemin de croix?
"–Non mais c'est ok, avec beaucoup de pain, ça passe..."
Je le redis, pour moi c'est un trouble alimentaire, c'est donc surtout un comportement à corriger, ce qui est plus ou moins facile selon les individus. Disons qu'arrivé à l'âge adulte, c'est plus compliqué et ça nécessite un travail sur soi. Pour moi, la rencontre avec maman Koala (qui est un cordon bleu) a été décisive : c'est elle qui m'a petit à petit donné le goût des bonnes choses. A ce stade, pas vraiment de secret, c'est une question de volonté personnelle. Mais l'idéal est bien sur de ne pas en arriver là...

Alors, votre gnome est difficile et vous voulez connaître ma méthode infaillible pour y remédier au plus tôt? Alors faites chauffer la carte bancaire (Non, je rigole. Enfin, si vous avez des sous en trop, vous pouvez me faire un don quand même), et cliquez vite sur "Lire la suite".


Facile :
C'est pas le gnome qui commande!

On ne le force pas à manger toute son assiette, on prévoit à minima un plan B (jambon/purée par exemple), mais au moins il goûte : trop facile de dire "J'aime pas" sans avoir goûté!

Hop! Et pas de discussion! Non mais!
Pour certains plats un peu "fort" en goût, on pourra éventuellement proposer une sauce genre ketchup pour accompagner. Pour les soupes & veloutés, l'ajout d'une portion de fromage type Bovin Hillare™ peut aider (à condition de bien montrer au gnome ce que tu mets).
De façon générale, inutile de s'énerver, de se fâcher, de disputer (ça ne sert qu'à braquer le gnome, et j'en sais quelque chose) : rester calme, mais ferme. C'est "Tu goûtes, ou il n'y aura rien d'autre! Après, si tu n'aimes pas, Ok. On verra ce qu'on peut faire."
Je vous rassure, un gnome ne se laissera pas mourir de faim. Au pire il sautera un repas (veillez quand même à varier le menu au suivant...), aucun gnome n'en est mort à ma connaissance.

La règle de trois est la suivante :
  1. Goûter le plat n'est pas négociable, mais le gnome a le droit de ne pas aimer ce qu'il a goûté.
  2. Un repas peut sauter, mais pas deux d'affilée (c'est pas Guantanamo non plus).
  3. Si le gnome mange un peu le plat qu'il refusait, n'insistez pas pour qu'il finisse l'assiette. C'est déjà un pas. (prévoyez des portions raisonnables, quitte à les augmenter au fur et à mesure)
Remarque : faire régulièrement re-goûter les plats refusés une fois précédente. Les goûts changent avec l'âge, et la saveur du plat peut évoluer aussi selon la préparation.

Soyons clair : tous les goûts sont dans la nature. On peut tous aimer ou ne pas aimer certaines saveurs. L'important est de ne pas se conditionner. Et n'oubliez pas que les parents ont valeur d'exemple : vous pourrez plus difficilement convaincre un gnome de manger un aliment que vous même n'appréciez pas.

3 derniers conseils :
► Evitez de laisser les gnomes grignoter entre les repas (au nombre de 4 : petit déj', déjeuner, goûter, dîner). Plus le gnome grignote (en général des cochonneries) moins il aura d'appétit aux vrais repas. Et en plus il s'habitue à se nourrir de trucs pas équilibrés.
► Evitez les boissons super-sucrées (type Caca Colé®, Sproute®, ou même jus d'orange) au moment des repas (voir même en dehors, mais c'est lié au point du dessus en fait) : la saveur sucrée va saturer les papilles et perturber la perception du goût des autres aliments.
► Comme la vue ou l'ouïe, l'odorat a tendance à s'altérer avec l'âge (à moins de l'exercer). Les enfants ressentent souvent plus nettement certaines odeurs/saveurs. Assaisonner les plats, comme pour les adultes, est donc important pour le goût, mais attention de ne pas trop assaisonner : vos enfants risquent de sentir plus fortement les saveurs que vous même.

Et puis vous verrez, ce sont des phases. Si vous restez ferme, ça deviendra plus facile au fur et à mesure (le gnome comprend vite ce qui est négociable ou pas en général). Et dites vous que c'est pour son bien : du point de vue santé/nutrition et du point de vue social.

7 commentaires:

  1. Sur ce coup là, c'était coup de poker chez nous car je suis difficile (et oui c'est effectivement pas aisé en société mais je suis asociale, m'en fous lol). Bref! Je ne pouvais pas lui donner l'exemple mais par chance, il va chez la nounou qui est un vrai cordon bleu et qui cuisine de tous (même les légumes genre brocolis ou épinards) et mon fils du coup, mange de tout, il aime même! Je fais mine de rien (pas comme si c'était exceptionnel) quand il mange un truc que je déteste et pour l'instant sur ça, on n'a pas eu à se battre (nous notre combat c'est le coucher, mais c'est une autre histoire lol)

    RépondreSupprimer
  2. PS: Par contre, le "tu goûtes" franchement, je crois que c'est ça qui m'a dégoûté tout à fait de truc que j'aurais peut-être bien goûté un jour...
    Ces mots résonnent encore dans ma tête car je l'ai entendu en colo, à la maison etc...et j'ai maintenant des envies de meurtres quand j'entends cette phrase.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je vois ce que tu veux dire ;)
      Bien sur, tout est dans la façon de l'amener : l'autoritarisme n'a jamais marché pour moi. Je pense qu'un peu de subtilité et de psychologie ne sauraient nuire. Pour autant, je reste persuadé que le meilleur moyen d'ouvrir les perspectives gustatives est de faire goûter, et je regrette parfois que mes parents n'aient pas eu cette insistance lorsque j'étais petit (vraiment au début je veux dire... à partir de 4-5 ans, je pense que c'est déjà plus ou moins cuit).

      Supprimer
  3. Mdr! Tes articles sont drôles et constructifs à la fois! J'adore! Je n'avais pas vu cet article mais il complète parfaitement celui que j'ai posté aujourd'hui! Les grands esprits se rencontrent!

    RépondreSupprimer
  4. Moi je sais pas si ça vient de moi, ou de la Schtroumpfette, ou du hasard, mais elle mange de tout : même les oignons et l'ail cru, même le citron qu'on vient de couper en deux... Y a que les courgettes dont elle n'est pas trop fan, mais elle accepte d'en manger un peu à chaque fois ! Du coup, je me suis dit, pauvres parents qui galèrent :-p
    Je suis d'accord sur le fait de faire gouter et régulièrement.
    Après, j'aime aussi changer les plats pour que ce qui n'est pas trop apprécié en morceaux le soit plus en purée, en beignets, ou peu importe en fait.
    Et quand on n'aime pas du tout, je ne force pas. Moi aussi j'ai la nausée devant certains plats. Je ne me force pas, je ne force pas la Schtroumpfette. Mais c'est parce que je sais qu'elle n'aime pas du tout!
    Bonne chance à tous pour trouver l'équilibre

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je conjecture que ça vient surtout d'eux... et un peu de nous. Nous avons élevé nos deux gnomes à l'identique et Xéna a une alimentation beaucoup plus variée que celle de son frère à ce jour. Ceci étant, ça passe régulièrement par des phases, pour l'un comme pour l'autre d'ailleurs.
      Deuxième constation (j'ignore ce qu'il est possible d'en déduire), le p'tit gars est plutôt carnivore là ou sa sœur privilégie les légumes : assiette identique, il commence par la viande et elle par les légumes. J'ai aussi constaté que des fois il faut laisser le temps au p'tit bonhomme de se faire à l'idée, sans se fâcher ni le forcer : bon, du coup il mange parfois en décalé, et il faut réchauffer au 'cro-ondes, mais il mange sans rechigner ce qui était proposé. On bossera sur les horaires de repas plus tard -_-'
      Et quant à moi qui était super difficile... ma chérie-cordon bleu m'a permis de diversifier mon alimentation de façon singulière puisque je mange pratiquement de tout à présent (bon, l'artichaut reste un ennemi intime, et les champignons et moi sommes encore un peu en froid).

      Supprimer