L'autre jour, j'ai reçu un courrier publicitaire de ma banque, le Crédit Matué, qui me proposait une offre mirifique de téléphonie avec smartphone inclus, le tout ne coûtant qu'un bras.
Toi aussi, tu pourras sourire avec l'air niais avec nos mobiles. |
Bon, déjà moi, les téléphones portables, surtout les smartphones, c'est pas ma tasse de banania. D'ailleurs mon téléphone portable est une antiquité datant de RamsesII (ce qui explique sans doute les hiéroglyphes inscrits sur la coque, que j'ai librement traduit par "Made in Egyptia", mais qui signifiaient peut être "zut à celui qui l'a lu").
C'est plus un téléphone portatif que véritablement portable en fait... |
- radiations en provenance de Fukushima
- radio ou télé diffusant du Justin Bieber
- onde sonores venant du parc de la mairie (pratique lors de la fête du lancer de motte de paille ou du festival du catapultage de cochon... dommage que le rassemblement de l'amical des motards à grosse cylindrée se fasse dans le champ voisin)
- réseau de téléphonie portable
Allô! Non mais allô quoi! T'es un geek et t'as pas de smartphone? |
Mais revenons à notre publicité, et allons au delà de l'aspect essentiellement technique, pour nous concentrer sur le contexte. Or donc, une banque se met à vendre du téléphone portable et des forfaits. Je suis le seul que ça choque? Ok, le Crédit Matué n'en est pas à son coup d'essai : ils faisaient déjà assurance en plus. Mais à la limite, ça peut encore se justifier compte-tenu des parallèles entre les deux activités :
- Principe d'un banque : vous convaincre de la nécessité de leur confier votre pognon, dont l'accès vous sera alors facturé, et qui sera utilisé inconsidérément par la banque en investissements douteux et autres transactions boursières hasardeuses, dans le but (théorique) de disposer au final à la fois de votre pognon et de celui des autres.
- Principe d'une assurance : vous convaincre de la nécessité de leur payer une somme prohibitive en échange de la vague assurance (d'où le nom), sur laquelle vous pouvez généralement vous asseoir au final, de vous la restituer en cas de pépin. Cet argent sera utilisé par l'assurance en investissements douteux et autres transactions boursières hasardeuses, dans le but (théorique) de disposer au final à la fois de votre pognon et de celui des autres.
Plus qu'un slogan, un mode de pensée. |
Tandis que si la banque (ou l'assurance) engrange des bénéfices colossaux, ces derniers sont bien évidemment privatisés. Comprendre : tu peux te brosser pour récupérer le moindre kopeck, même sous forme d'une baisse de tes frais. On a réussi à faire fructifier ton flouze, donc on engrange les bénéfices. On peut résumer ça à la formule : pile je gagne, face tu perds.
Jérôme Kerviel va t'apprendre à dépenser intelligemment, malandrin! |
Bon. Banque ET assurance, pourquoi pas... mais opérateur mobile, je m'interroge...
– Non, mais en fait, ça se tient : souvent le forfait d'un smartphone est accolé à un crédit déguisé pour l'achat de l'appareil à tarif raisonnable!
D'accord. Alors, déjà "raisonnable", ça veut pas dire que ça coûte moins cher : juste que au lieu de payer un bras d'un coup, tu paye deux bras, mais étalé sur deux ans. C'est le principe du crédit, ne croyez pas que les banques soient des organisations philanthropiques! Ensuite, si les banques commencent à commercialiser tout ce qui est (ou peut être) adossé à un crédit, on peut aller très loin.
Petit exercice d'anticipation :
Nous sommes en France en 2025, sous la présidence de Jean Sarkozy (élu en 2022 contre le sortant Manuel Valls). Le gouvernement, dirigé par Mickaël Vendetta, lutte vaillamment contre la crise et le chômage (on ne change pas les valeurs sures). Le ministre de l'intérieur, Steevy Boulay, tente quant à lui de circonscrire courageusement la criminalité galopante.Comme on le voit, rien de bien neuf sous le soleil.
Oh le beau gouvernement!
De son côté, papa Hérisson a maintenant quatre enfants. Oui, quatre. Bon, honnêtement, la quatrième c'est accidentel. Le préservatif Créditmatuex™, trop fin à cause d'une économie de matière première, n'a pas tenu ses promesses : le cours du latex avait beaucoup monté en raison d'une bulle spéculative (qui a éclaté depuis, elle aussi). Et malheureusement, la pilule du lendemain des laboratoires Créditmatis™, produite en Mandchourie avec des matières premières moldaves contenant du cheval OGM (suite à l'opération fructueuse d'un trader bien intentionné), n'a pas tenu toutes ses promesses non plus. Enfin bref, ça pourrait être pire... papa Hérisson a des amis qui avaient des problèmes de fertilité et sont allé à la clinique privée spécialisée Saint Bénéfice du Créditmatué™ pour une PMA. Maintenant ils ont sept enfants. Une portée de labradors nains. Une amusante confusion avec un lot destiné au laboratoire vétérinaire Créditmator™.
En attendant, quatre enfants, dont deux ados en pleine croissance, il faut les nourrir, et croyez-moi : ça bouffe. Alors papa Hérisson va faire les courses au Créditmarché™ le plus proche, accompagné de Xéna (la cadette), l'aîné étant en phase "C'est bon, lâche moi!", et le puiné et la benjamine un peu trop jeunes pour le transport sécurisé des victuailles fragiles (genre les œufs Créditmatine™). Vous noterez au passage que papa Hérisson et maman Koala sont de vrais pros, puisqu'ils ont deux garçons et deux filles, assurant ainsi la parité parfaite de la famille. On est doué ou on ne l'est pas.
Papa Hérisson parcourt donc les rayons en remplissant le chariot, vaguement aidé par une Xéna peu concentrée, casque de Crédimapod™ vissé sur les oreilles. Bon, papa Hérisson ne dit trop rien, elle n'écoute pas toutes ces merdes modernes du label Créditmusik™ à base "d'intelligences artificielles" sorties de IA Académie (télécrochet diffusé sur FranceCréditTV™) et qui ne doivent leur succès qu'à leur participation à la BO de blockbusters du jeu vidéo comme GTA trentedouze, Call of Duty quarantequinze, ou Angry Birds contre les lapins crétins vingtseize. Elle préfère les vieux classiques (des trucs qui passent sur CréditNostalgie™ comme Justin Bieber, Superbus ou Benjamin Biolay).
Passage en caisse automatique (bin oui, vous voudriez pas qu'on paye quelqu'un pour faire un boulot que vous pouvez faire vous-même gratuitement)(enfin non, pas gratuitement d'ailleurs : vous payez pour ça). Et là, ça se gâte. Y a des trucs qui bipent bizarre. Papa Hérisson, méfiant, se dépêche de payer et d'entasser la marchandise en sac. Direction la voiture (une Peugeoyokia-CréditCar™ en leasing). Brusquement, surgissent trois vigiles de la Créditsecu™.
– Assuré CréditSanté™ n° 41815162342, veuillez nous suivre.
– Enchanté assuré machin-chouette,moi c'est papa Hérisson. Veuillez tailler la route.
– Non, vous êtes l'assuré n° 41815162342, veuillez nous suivre.
– Vous êtes un peu sourd ou un peu con, ou les deux, veuillez foutre le camp. Primo, je ne suis pas un numéro, je suis un Hérisson libre! Et secundo : je ne signe aucune pétition sur un parking, n'achète rien aux vendeurs à la sauvette, ne répond jamais aux sondages, ne crois ni à Jéhovah ni à Krishna ni à Rael ni au Monstre en Spaghetti volant, et vous n'arriverez jamais à me faire croire que vous êtes des écolières en train de vendre des brioches pour financer un voyage scolaire.
– La caisse automatique nous a signalé que vous aviez pris des tablettes de chocolat.
– J'ai également pris une boite de flageolets et des rouleaux de PQ... la caisse ne vous a pas envoyé de faire-part? Étrange...
– Votre dossier médical stipule que vous avez un léger excès de cholestérol et une prédisposition génétique au diabète. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais la ministre Nabila Benatia a fait passer une loi suite aux émeutes déclenchées par les paysans bio du plateau du Larzac en 2022. La loi du 30 février 2023 stipule, je cite : "Non mais allô quoi! En cas de menace, telle que définie par les autorités sanitaires, envers la santé d'un assuré, la rétention du ou des produits alimentaires concernés avant ou après leur acquisition est autorisée. Bisous. Lol." Pâte de cacao, beurre de cacao et sucre font partie des substances qui vous sont interdites, assuré n° 4815162342. Remettez-nous ces tablettes.
– Donc, pour résumer, vous voulez me chiper mon choco que j'ai déjà payé, sous le fallacieux prétexte que ça serait mauvais pour mon cholestérol?
– C'est une rétention de marchandise, telle que définie et autorisée par la loi. Afin de protéger votre santé malgré vous monsieur.
– Par pure bonté d'âme, évidemment, et pas parce que l'assurance espère ainsi s'épargner des frais de remboursement de soins...
Forcément, quand on parle de chocolat, Xéna se réveille.
– Papa? Il raconte quoi le pingouin là?
– Que pour avoir notre chocolat, il va falloir lui passer sur le corps ma chérie.
– Ah... bah il suffisait de demander.
– Et maintenant, on fait quoi papa?
On ne plaisante pas avec le chocolat dans la famille Hérisson!
– Aide-moi à les plier dans le coffre s'il-te-plait, j'ai le dos en compote.
– On va les faire sécher au grenier?
– Franchement, ça m'étonnerait... quand ta mère saura qu'ils voulaient nous truander le choco, je pense qu'elle va en faire de l'engrais pour le jardin. Maman Koala ne plaisante pas avec ça.
Bon, évidemment, c'est très exagéré : en réalité le chocolat n'est pas nocif vis à vis du cholestérol, au contraire. Mais bon, c'est une fiction hein... Quelque part, ce mélange d'activités me fait penser à tous ces produits "2 en 1", "3 en 1" qu'on essaie de nous fourguer. Prenez votre smartphone qui vous a coûté un bras et vous sert de téléphone-appareil-photo-lecteur-mp3-mp4-agenda-
Le smartphone de Mac Gyver. |
Une arnaque de sinistre mémoire... |
Bref, j'arrête là ce chapitre : vous aurez évidemment compris que le but final est que vous l'ayez dans le c...
Finalement, y a une certaine cohérence dans la démarche... |
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